Il aura fallu l’animation pour qu’enfin Marvel s’offre une patte artistique un tant soit peu personnelle et identifiable. Car on ne saurait nier l’aboutissement visuel de ce Spider-Man: Into the Spider-Verse qui, s’il ne renouvelle pas vraiment les thématiques investies ni les retournements d’une histoire qu’on ne présente plus – et sa déclinaison afro-américaine n’y change pas grand-chose –, passe son temps à repousser les limites du montrable. Ce faisant, il décloisonne l’univers du comic book et l’ouvre à tous les possibles : vaste Rubik’s Cube multicolore qui donne au spectateur l’impression de voir défiler devant lui les pages d’une bande-dessinée, le long-métrage de Shameik Moore, Jake Johnson et Hailee Steinfeld emprunte sa structure aux fresques murales composées par un feuilletage de tags successifs qui se superposent les uns les autres. La richesse de l’œuvre paraît en effet inépuisable, et la clausule pourrait n’être que le tremplin vers une infinité de variations. Dès lors, la principale qualité du film devient également sa principale limite, dans la mesure où l’art de composer des plans superbes tend à s’autonomiser et perd en dramaturgie et en cinéma ce qu’il gagne en conformité avec le matériau qu’il adapte. Les fans de l’homme-araignée vont se régaler, les autres bénéficieront d’un condensé des comics qu’ils auront, peut-être, par la suite envie de découvrir.