Sans doute le film-choc de cette rentrée 2016, Spotlight tient toutes les promesses de sa nomination aux oscars (ce qui est une surprise en soi). J'avais déjà beaucoup aimé The visitor et The Station Agent de Thomas Mc Carthy et je ne suis pas déçu par cette dernière oeuvre d'un auteur qui mélange jusqu'ici subtilité de ton et clarté du traitement. The Station Agent parlait d'amitié, The Visitor parlait d'immigration, celui -ci nous parle du scandale qui secoua l'Eglise catholique au début des années 2000. Spotlight est une équipe de quatre journalistes du Boston Globe, spécialisés dans les enquêtes qui fâchent , comme notre Canard (qui mériterait lui un Pulitzer chaque semaine). Avec l'arrivée au journal d'un nouveau rédac-chef (sobrement joué par un Liev Schreiber inhabituel), nos journaleux se retrouvent à enquêter sur une affaire de pédophilie concernant un prètre catholique (what else?)et datant de... 1976. Quelle n'est pas leur surprise quand cette histoire débouche de fil en aiguille sur un nombre hallucinant de prêtres pédophiles à Boston, tous protégés par leur hiérarchie.
Mc Carthy joue la carte de la sobriété, on suit de nombreux personnages dans cette histoire (4 personnes en enquête, ca fait beaucoup de conversations), mais jamais on ne développe un sentiment de tournis ou de fouillis. Tous les acteurs sont superbes (Keaton, qui a pris un coup de vieux mais est très bon dans le rôle du chef, Ruffalo, excellent comme d'hab, Rachel Adams idem et un acteur qui ressemble à ... Edwy Plenel, ahah... Le film aborde clairement le contexte bostonien de l'affaire (les évèques, la petite Irlande, le golf, la respectabilité de cette amérique bien pensante qui flotte sur un tas d'immondice).
On pourra être surpris comme je l'ai été par le peu d'éclairage que reçoit le clergé en soi (à part une visite au cardinal du lieu, tout est évoqué par des on-dit, des menaces et des coupures de journaux). Le focus du film n'est pas mis sur les coupables de cette sinistre affaire, mais bien sur le travail journalistique qui les a démasqués (les interviews, les recherches au fin fond des archives, les décisions de chacun au sein du journal, tout le processus en fait...). Ca m'a étonné au départ mais je réalise que ce vide qu'occupe l'Eglise dans le film est en fait un vide aspirant qui concentre encore plus notre attention lorsque le film s'achève...
Mais surtout l' autre et vraie raison pour laquelle les prêtres n'apparaissent pas est que le vrai sujet du film n'est pas la pédophilie, ni même le journalisme, mais le silence de tous autour de ce qui nous gène. Car nombreux sont ceux qui ont voulu donner l'alarme et dont l'appel n'a pas été écouté, par les policiers et les journalistes en tête. L'Eglise profite de sa puissance millénaire et de la peur qu'elle a toujours su manipuler certes, mais elle profite surtout du silence des agneaux ...
Très bonne soirée, qui vous verra sortir du cinoche passablement indigné et sans doute curieux de savoir une chose que ne dévoile pas le film: quelles ont été les peines de prisons pour toutes ces ordures en robes noires qui ont molesté des milliers de gosses. Et vous vous poserez peut-être comme moi la question à un million : quelle autre société multinationale aux multiples ramifications pourrait ainsi être prise en flagrant délit de protéger des dizaines de pédophiles en son sein sans pour autant que son CEO ne soit jamais inquiété? Et quelle est la raison de ce mutisme de tous face à tant d'autres horreurs?
Très bon film, qui vous mettra peut-être en colère et vous perturbera sans doute et que je vous recommande, les enfants...