Trois mecs marchent dans la cambrousse

C'est l'histoire de trois types (l'écrivain, le professeur, et le stalker) qui se baladent dans une campagne poisseuse, pleine de hautes herbes, de tanks en déréliction, et de bâtiments en ruines. C'est la zone, interdite d'accès car supposée trop dangereuse, et surtout mystérieuse, car elle contiendrait une "chambre des voeux", dans un aperçu involontairement visionnaire de l'état actuel de la ville de Pripyat après le désastre de Tchernobyl.

Le stalker (mono-expressif) guide ses compères dans les méandres de la zone en balançant des rouleaux de PQ et des boulons pour bien s'assurer qu'il n'y a aucun danger dans le secteur. Et ils ont très peur, bien qu'il ne s'y passe strictement rien.
Parfois nos amis font une halte et décident de se reposer en dissertant sur le sens de la vie, sur le sens de l'art, sur le sens de la science.
Et puis ils reprennent leur marche, dans la verdure, dans des conduits, et dans des bâtiments inondés.

A un moment ils en ont marre de marcher, et après avoir traversé une vaste salle pleine de dunes de sable, et passé un coup de fil à je ne sais qui, ils se posent pour de bon : clament notamment un poème, puis alignent des dialogues tous plus imbitables les uns que les autres, pour finir par repartir là d'où ils viennent, parce qu'en fait toutes leurs pérégrinations qu'ils nous ont fait subir pendant tout le film étaient inutiles.

Vers la fin du film, il y a aussi un enfant (un garçon ou une fille, ça je ne saurai le dire) qui a des dons de télépathie et qui peut faire bouger des verres sur une table.

Et ça dure 2h45.

Pourtant j'ai été patient, j'ai drôlement apprécié la première heure du film, le périple quasi en temps réel (et donc forcément un peu chiant, mais du coup immersif), était assez fascinant, l'accession à la zone par un jeu de diversion, l'ambiance post-apocalyptique, le trajet en wagonnet, les dialogues rares, la tension grandissante.

Et puis après cette heure passant finalement assez vite, Tarkovski commence en à avoir marre de cette ambiance tout à fait sympathique, et se dit que ce serait pas mal d'insuffler pas mal de dialogues vides, et de la philo incompréhensible.

Bref, on passe d'un film à ambiance et hyper immersif, à une pièce de théâtre façon art contemporain, avec des mecs qui racontent de la merde tout en s'engueulant (le pire étant le moment où ils décident de s'arrêter juste avant la chambre des voeux et où j'ai eu parfois l'impression de regarder des séquences aussi palpitantes qu'un écran de veille windows xp). Au début j'essayais de détricoter les dialogues, mais rapidement j'ai compris que c'était totalement vain, et que le rapport effort de concentration engagé/Bénéfice recueilli, me serait totalement défavorable, et j'ai débranché mon cerveau en priant pour que le film se boucle le plus vite possible.


Autant dire que je n'ai rien compris, et dans mon ennui global, je ne pourrai guère qu'évoquer de vagues hypothèses :

Personne n'a la foi :Que ce soit l'écrivain, ou le scientifique, aucun n'a la vraie foi (chrétienne ?) (voire même s'en moque, le moment où l'écrivain dans une séquence aléatoire, se met à porter une couronnes d'épines du christ) (et encore moins dans la Russie communiste).
Sauf le stalker, l'être pur, condamné à sombrer, à être incompris et solitaire (Tarkovski lui-même?), malgré son désir d'évasion, et de passage vers un monde meilleur. Donc il est bloqué à la fois par les dirigeants communistes (les militaires qui le mitraillent), et par les russes eux-mêmes qui ne le suivent pas.

Bon autant dire que tous ces questionnements religieux me sont passés très vite au-dessus de la tête, et que d'après moi, ça ne mérite absolument pas 2H45 de purge.


A quoi pouvoir se raccrocher donc si comme moi vous craignez de terriblement vous ennuyer durant ce film?

Quelques pistes : La première partie du film d'abord. Ensuite formellement, y a pas à dire, ça a de la gueule, la composition des cadres est sublime, la photo est superbe (et surtout la première transition du noir et blanc à la couleur est un vrai choc visuel, ce qui pour moi renforce la qualité de la première partie d'ailleurs, et son ambiance particulièrement réussie).
Enfin la BO, bien que trop discrète, a quelques très belles envolées (usage de la cithare ?). Et le travail sur le son est exemplaire.

Bref une expérience sensorielle très intéressante dans un premier temps, puis un déluge verbal épuisant et à mon sens vide par la suite.
KingRabbit

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