Trente ans après les événements du Retour du Jedi, Le Premier Ordre a pris la suite de l’Empire Galactique. La jeune Rey se découvre des pouvoirs en voulant protéger le droïde BB-8, Finn fuit sa garnison de stormtroopers et Kylo Ren tente de s’immerger dans les profondeurs du Côté Obscur. Ce dernier est à la recherche d’un certain Luke Skywalker, dernière ruine jedi dont la mort ferait définitivement balancer l’équilibre de la Force.


Il est là. Quel sentiment bizarre de se trouver dans une salle à guichet fermé pour découvrir le film le plus attendu du millénaire. Il faut dire que la machine marketing a fait un boulot remarquable depuis un an à coup de teasers aussi bien foutus et épiques que mystérieux, accompagnés de produits dérivés déclinés à toutes les sauces. Aucun élément de l’histoire n’a fuité, donnant à l’Épisode VII l’allure d’un objet de convoitise ultime pour les armées de fans et de curieux à travers le monde. La crainte du rachat de LucasFilms par Disney en 2013 pour la modique somme de 4 milliards d’euros fut de courte durée, car la firme cherche plus à posséder un maximum de licences juteuses que de donner un sabre laser à Mickey Mouse. Preuves en sont les arrivées de J.J. Abrams à la réalisation et de la productrice attitrée de Spielberg, la puissante Kathleen Kennedy, afin de conserver entre de bonnes mains les clés du temple. Malgré tout, la guerre entre les pro et anti-Lucas n’est pas prête de s’arrêter dans ce nouvel épisode qui établi une cassure claire avec la patte du grand manitou, au moins sur le plan de la mise en scène et des choix narratifs. Exit les niaiseries gungans et autre ewoks infantilisants pour se concentrer d’avantage sur le mythe, sur les éléments qui ont permis à la saga d’entrer dans la culture populaire. Un héritage lourd pèse donc sur les épaules de J.J. depuis le lancement du projet, et cela se voit dans Le Réveil de la Force où la volonté de proposer du neuf est sans cesse remise en question par la dimension nostalgique de la première trilogie.


Nous sommes nombreux à avoir rêvé et fantasmé sur la suite des aventures de Star Wars, d’autant qu’une génération déçue des préquels n’attendait que de connaitre la destinée de Luke Skywalker. Ainsi, nos yeux sont scotchés sur le film, dans l’envie dévorante de découvrir ce qu’il s’est passé 33 ans après Le Retour du Jedi. Chaque ligne du prologue surprend et ébahit car les supputations s’envolent, la trame officielle reprend ses droits au grand dam des adeptes de l’Univers Étendu. Le temps réel qui s’est déroulé depuis l’Épisode VI ancre d’autant plus l’univers dans une continuité logique : les héros d’hier ont pris de la bouteille. Chaque apparition à l’écran d’un personnage culte fait son petit effet, donnant forcement le sourire et entrainant une légère agitation dans la salle. Il faut dire qu’ils s’intègrent parfaitement au récit, sans en faire des caisses. La présence d’Han Solo, de Chewbacca ou encore de C3PO ajoutent de la solennité à ce passage de témoin entre les deux trilogies. L’humour reste d’ailleurs de rigueur par petites pointes renforçant d’autant plus la complicité entre les personnages et le public.


Toutefois, Le Réveil de la Force n’invente finalement presque rien et se contente de réutiliser les marqueurs de la trilogie originale. Il y a les mêmes personnages cultes, les mêmes vaisseaux et une menace encore floue qui donne au film un statut de prologue plus que d’épisode à part entière. Il joue uniquement sur l’émotion, celle des fans, à travers ses clins d’œil innombrables qui empêchent au background du récit de se développer. Aucune information politique sur le Premier Ordre, que ce soit son avènement ou les forces en présence, pas d’info sur l’état de la Rébellion et le fondé de son organisation. Comme s’il ne s’était pas passé grand chose en trois décennies. Cette relative simplicité du scénario, qui n’en demeure pas moins parfaitement fluide, fait d’avantage penser à un remake d’Un Nouvel Espoir. Les références y sont en outre évidentes (la Cantina, l’odyssée du héros Rey, l’énième étoile de la mort et sa destruction dont le nom « Starkiller » remplaçait celui de « Skywalker » dans les premiers scripts de Lucas) ou cachées avec plus ou moins de panache (pseudo Vador, Yoda de service, Tatooine de rechange, etc…). Le Réveil de la Force est en quelque sorte la version 2015 du premier épisode mais transcendé par la patte J.J. Abrams et la mise en musique de John Williams, âme indétrônable de la saga.


Quoi qu’on en dise, Georges Lucas avait le modjo pour faire de Star Wars un genre à lui tout seul. En tombant aussi bien dans l’excès de n’importe quoi que dans la majestuosité de scènes cultes, les deux trilogies ont leurs arguments pour être appréciées car elles sont bien différentes. Entre le récit mythique de l’ascendance du héros à celui plus politique de la montée en puissance d’un empire fasciste, il y a de quoi faire fructifier la mythologie. Il est évident que J.J. Abrams donne un nouveau souffle à la saga par sa science de la mise en scène et des effets spéciaux mesurés, loin des animatroniques envahissants et des écrans verts omniprésents. L’image devient naturelle, les couleurs plus douces et les contrastes d’autant plus saisissants. Les effets de style splendides remplacent la mise en scène académique de Lucas par un éloge du mouvement ponctué d’images fortes, toutes en perspectives. Les combats de sabres laser sont également moins chorégraphiés, il y a une sorte de brutalité qui s’en dégage. Le sabre donne vraiment le sentiment d’être une arme dangereuse qu’il faut maitriser car le moindre coup de travers peut cramer au mieux votre veston, au pire vos entrailles.


Parmi les nouveautés, il faut évidemment parler du casting d’acteurs inconnus, un choix déterminant pour ouvrir une nouvelle page. Daisy Ridley et John Boyega sont vraiment super, très expressifs et habitant leurs personnages avec spontanéité et empathie. L’idée que Finn soit une nouvelle forme de stormtrooper, un gamin endoctriné et non un clone, ajoute une dynamique émotionnelle et indéniablement intéressante pour les suites à venir. Quant au Côté Obscur, il met en scène l’infâme Kylo Ren qui pousse obligatoirement de la comparaison avec Dark Vador. Surtout qu’au départ, sa voix transformée et son casque noire ne font qu’aller dans ce sens. En dépit d’une filiation discutable avec Han Solo et Leïa (qui se dégoupille finalement assez bien), il tient un maximum de promesses. Le personnage monolithique de Vador est remplacé par ce jeune homme torturé, qui se force à être méchant pour se laisser envahir par le Côté Obscur. C’est ainsi le contraire du raisonnement habituel qui consiste à voir lutter le personnage contre la tentation du Mal. L’image symbolique de ce changement se dessine quant Kylo Ren médite sur les restes de son aïeul Dark Davor. Il est donc amené lui aussi à évoluer lors des prochains épisodes, rendant son allégeance légitime et surtout moins manichéenne même si le film l’est toujours autant. Au contraire, le Leader Suprême peine largement à convaincre tant il semble être déjà vu un million de fois. Ce sous-Sidious numérique n’inspire jamais la peur qu’il devrait susciter, la faute à un design somme toute raté.


Cet Épisode VII n’est pas la claque espérée mais pose proprement les bases de la nouvelle trilogie. J.J. Abrams ne prend pas le risque de tout chambouler mais plutôt de démarrer doucement la transition pour rappeler que Star Wars est aussi un héritage générationnel au service des fans et du grand public. Centré sur la recherche de Luke, la film accorde à la symbolique du mythe une place prépondérante quitte à laisser de côté le background politique et dramatique, espérons le pour une prochaine fois, sous forme d’un remake moderne de La Guerre des Étoiles. A l’image des bandes annonces, Le Réveil de la Force arrive à créer plus d’interrogations qu’à donner de réponse, ce qui est en soit une réussite puisque nous pourrons véritablement juger du bien fondé de ce retour qu’une fois l’histoire véritablement commencée. Les fondations paraissent solides, Abrams a mis du cœur à l’ouvrage pour donner un dynamisme inédit et une esthétique propre à ce nouveau départ de la saga intergalactique comme l’attestent les rôles prometteurs de John Boyega, Daisy Ridley, Adam Driver et même du droïde BB-8 ! Le premier étage de la fusée s’est détaché, souhaitons que la Force ne se rendorme pas en 2017.

ZéroZéroCed
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le 21 sept. 2016

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