"Every Generation Has a Story", voilà le slogan de cette nouvelle trilogie et voilà que cette nouvelle histoire inédite est enfin arrivée sur nos écrans. L'attente est définitivement brisée. Et la première chose que l'on peut faire, même si des choses déçoivent, c'est remercier du fond du cœur J.J. Abrams, Lawrence Kasdan et Michael Arndt pour ne pas avoir abandonné la saga entre les mains d'une industrie calibrée et sans saveur. En effet, The Force Awakens s'inscrit dans une époque où le cinéma hollywoodien n'a jamais été aussi peu créatif en plus d'être dans l'idée d'émoustiller autant le père que le fils en proposant des reboots, parfois non avoués, à la manière d'un certain Ridley Scott qui radote de son cinéma sans y retrouver la saveur d'antan, qui, pour la plupart, sont dispensables voir totalement risibles.


J.J. Abrams avait signé ce qui semblait être un projet perdu d'avance et, au plus grand désarroi général, a plutôt très bien amené la trilogie de la nouvelle génération car The Force Awakens, en plus d'être un bon Star Wars, et surtout un très bon film. En vérité, l'intérêt de cet épisode réside surtout dans le parti pris du réalisateur : faire un film identifiable sur les bases de la trilogie originale, principalement A New Hope, et c'est totalement une réussite sur ce point de vue. The Force Awakens est un film nostalgique qui ne pompe pas un matériau culte mais lui voue un autel tout en l'inversant voire en l'améliorant. Tout tourne autour de ce passage du flambeau de la mythologie à une nouvelle génération tout en proposant un scénario à la fois prévisible, pour les fans de la première heure, mais également étonnant quant à son côté, encore une fois, inversé notamment pour ce qui est des personnages et de leurs constructions respectives. The Force Awakens est un miroir de l'épisode IV et doit être considéré comme tel. C'est d'ailleurs en l'appréhendant de cette façon que l'on réussit à capter toute la symbolique de celui-ci et sa manière très minutieuse de se détacher petit à petit de la trilogie originale pour ainsi nous mettre en condition pour une nouvelle aventure inédite.


D'un point de vue scénaristique, donc, le film est plutôt très ingénieux et même si certains raccourcis et quelques dialogues paraissent étranges voire légèrement bâclés, l'ensemble est vraiment de très bonne facture si on le prend, encore une fois, comme un passage d'une génération à une autre. C'est d'ailleurs pour cela, toujours dans cette idée de confrontation entre le passé et le futur de la saga, qu'on parle de Luke et de la Force comme d'un mythe, que les rebelles soient devenus des résistants, indépendants de la République, et que l'Empire ait laissé sa place au "Premier Ordre" et n'ait comme changement que la violence, beaucoup plus implicite, qu'il inflige. Le côté "inversé" se retrouve davantage dans les nouveaux personnages et leurs actions où l'on ressent cette écriture si particulière et inattendue qui fera sûrement la sève des épisodes suivants. On retrouve un Finn, joué par John Boyega, efficace et, en même temps, assez mystérieux puisqu'il s'agit d'un stormtrooper totalement humanisé et mis au devant de la scène. On nous propose également une sorte de nouveau Han Solo, bien que celui-ci soit central : Poe Dameron joué par un Oscar Isaac toujours aussi incroyable. Un personnage charismatique qui, malheureusement, n'est pas énormément porté à l'écran. Kylo Ren, quant à lui, est très original dans son traitement puisqu'il est bien plus qu'un simple sith étant, finalement, un jeune homme essayant de suivre les traces d'une des plus grandes figures de l'histoire du cinéma. Adam Driver joue d'ailleurs très bien ce personnage tiraillé, en quête de reconnaissance et d'aspiration maléfique, mais qui, au final, est loin d'être accompli. Mais l'épisode VII ne serait pas un film si efficace sans le personnage de Rey qui se trouve être un des personnages les plus charismatiques de toute la saga. En effet, en plus de rendre l'épisode si identifiable de part l'écriture et la construction de son personnage, ce nouveau "Luke" est extrêmement bien pensé. Daisy Ridley, qui est d'ailleurs une jeune actrice qui n'avait pas encore fait ses preuves, s'en sort à merveille et nous offre une prestation vraiment rafraîchissante de part un jeu très sincère et qui n'a de cesse de toucher par sa maladresse qui en devient finalement une qualité tout au long du film. Rey se rapproche, d'ailleurs, des personnages féminins du grand Hayao Miyazaki et fait notamment penser à Nausicaä. Une jeune femme forte et aventureuse qui garde une certaine tendresse féminine ce qui, d'ailleurs, lui permet souvent de faire les bons choix. Ces nouveaux personnages sont vraiment iconiques et identifiables en plus d'être crédibles, chose totalement inattendue. Et même si on peut être déçu par certains de ces personnages, ce serait cependant faire preuve de mauvaise foi que de les juger péjorativement tant ces nouveaux acteurs semblent investis et prometteurs pour la suite.


Côté mise en scène et réalisation, c'est à la fois excellemment maîtrisé mais aussi très humble. Disney nous avait prévenus, J.J. Abrams est un énorme fan et un spécialiste de la trilogie originale qui ne porte, d'ailleurs, pas vraiment la prélogie dans son cœur. Ce cinéaste est, en effet, bloqué entre les premiers blockbusters très bricolés et ingénieux qui constituaient l'aspect onirique du nouvel hollywood d'antan et l'âge du tout numérique où les décors et les effets spéciaux n'ont plus la magie de l'époque et où des films attachés à cet héritage comme Mad Max: Fury Road écrasent littéralement toute la production cinématographique américaine actuelle mais restent totalement minoritaires. Défenseur de l'argentique et réalisateur bercé par cet aspect "artistique" du cinéma américain, J.J. Abrams nous offre un film très bien maîtrisé et passionnant sur sa forme qui rend, littéralement, aux décors réels et à l'aspect "bricolage" de la mise en scène, leur gloire passée tout en ajoutant la force du numérique lorsque celle-ci tient le rôle clef de mettre en scène l'impossible et de briser les frontières quant aux idées de mises en scènes ambitieuses. The Force Awakens est, en effet, une perle cinématographique à ce niveau là et un savant mélange entre ce qui a été fait et ce qui peut être fait aujourd'hui en plus d'avoir une ambiance sonore grandiloquente si chère au cinéma de son réalisateur notamment à travers la violence sonore du sabre laser.


Au final, The Force Awakens est une excellente surprise avec des défauts évidents mais qu'on ne peut que pardonner lorsqu'on constate que toute la sève qu'avait fait la trilogie originale se retrouve dans ce nouvel opus. Ce passage d'un mythe cinématographique d'une génération à une autre, qui se retrouve autant dans le scénario que dans la mise en scène, témoigne du génie de son réalisateur et on ne peut que se réjouir qu'un tel cinéaste s'est retrouvé au commande d'un projet si délicat. Porté par un héritage conséquent, le film pourrait se résumer à sa bande originale signée par le grand John Williams : une composition timide mais qui, lorsqu'on l'écoute avec plus d'adresse, est d'une qualité considérable. Espérons que Rian Johnson saura se détacher de la trilogie originale dans le prochain opus en nous proposant une suite digne d'une trilogie inédite qui, il faut l'avouer, commence très bien et fait réellement plaisir notamment lorsqu'on observe le paysage industriel cinématographique américain qui n'a, en général, d'égal que sa fadeur. Impressionnant.

Ewen_LNT
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le 20 déc. 2015

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Ewen_LNT

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