Difficile de ne pas faire abstraction de l'envie de Rian Johnson et son équipe de proposer un space opera grandiloquent et marquant. Visuellement, ce nouvel épisode de la saga pris sous l'aile d'un seul homme, est d'une beauté impressionnante. Gardant visuellement l'esprit de son prédécesseur dans cette idée de proposer un cinéma « bricoleur » et humble, Les Derniers Jedi est d'une richesse visuelle assez rare et c'est véritablement l'un des points forts du film de Johnson. Ainsi s'ouvre ce nouvel opus sur un rythme effréné et une sorte d'impatience multipliant l'action et la vivacité sans jamais vraiment capter profondément le spectateur, un défaut qui s'imprégnera de plus en plus au fur et à mesure que le récit avancera. Il n'était pas évident d'amener de l'inédit et de contrebalancer le récit du Réveil de la Force basé sur la transmission et l'héritage. Finalement, Rian Johnson ne se sert pas réellement de l'aspect marche-pied de son prédécesseur et le moins que l'on puisse dire c'est que ce nouvel opus peine à trouver l'équilibre et n'est pas vraiment une suite logique à un épisode qui, désormais, s'accommode davantage à être un film totalement à part et presque opposé dans sa manière de composer et d'écrire cette nouvelle saga.


Ce nouveau Star Wars s'inscrit, comme son homologue passé, dans un rapport au mythe et à l'objet matériel de cinéma qu'est Star Wars. On aura le droit à des structures visuelles et scénaristiques des épisodes précédents reprenant quasiment mot pour mot certains dialogues phares de la trilogie originelle. Le comble pour un film dont le propos est clairement de faire table rase du passé de la franchise et d'une certaine structure du cinéma hollywoodien. Cette idée presque nécessaire de couper les liens avec ce qui a été fait parcourt le film de bout en bout. Dès lors, reprenant le même ADN que le septième épisode de la saga, Rian Johnson nous livre un épisode disséquant et reprenant le mythe en le désacralisant, tentant d'ajouter une nouvelle lecture. Néanmoins, alors que le rôle du film de J. J. Abrams était de laisser place à la nouvelle génération, cet épisode a du mal à rendre ses personnages solides et Kylo Ren sera, malheureusement, le seul personnage véritablement intéressant et crédible incarnant à merveille le propos du film. Pourtant, dans la continuité d'un Réveil de la Force timide et honorable, cet épisode VIII casse, démystifie les codes le rendant assurément étonnant mais n'ajoute rien. Les Derniers Jedi joue sur les attentes et les détourne mais n'a pas assez de profondeurs pour être un épisode à part entière. Lorsque Luke jette symboliquement l'objet de cinéma qu'est le sabre d'Anakin Skywalker, on a cette impression que Rian Johnson tue le passé mais s'écarte également du septième sans faire avancer l'histoire et on peine à trouver un sens à cette trilogie alors qu'il ne reste déjà plus qu'un volet pour la conclure. C'est la tête ailleurs qu'on se laisse porter par un récit sans queue, ni tête uniquement basé sur la fuite, et multipliant des péripéties inintéressantes ne permettant que de montrer des décors, un bestiaire réussi et de nouvelles planètes discutables n'apportant peu à l'imaginaire de la saga de George Lucas. Bien que des plans magnifiques parsèment le film, Rian Johnson ne donne pas assez de force à son scénario pour le rendre véritablement inédit. Pourtant, on décèle dans le film cette furieuse envie de disloquer le manichéisme et les symboles mais tout tombe vite à plat lorsqu'on se rend rapidement compte qu'on est devant le film de la franchise le plus léger et le plus inconstant dans ses dialogues, l'enchaînement des scènes et ses personnages. En effet, notamment à travers le personnage de Luke qui, campé par un Mark Hamill crédible en légende contestable, sera finalement bancal et inégal à l'image d'un long métrage incompréhensible et frustrant. Que ce soit à travers un humour trop souvent gras qui donne à l'autodérision une place excessive qui ne nous permet pas de s'identifier aux personnages et aux différents enjeux mais, également, de part certaines scènes et choix scénaristiques trop souvent de mauvais goût, tout cela donnera aux Derniers Jedi un attrait plus hasardeux qu'ambitieux en plus d'avoir un rythme assez artificiel.


Néanmoins, il est évident que tout n'est pas à jeter dans le film. En effet, bien que l'aspect course-poursuite du récit ne laisse que trop peu de temps aux personnages de se retrouver face à des choix cruciaux et à un véritablement acheminement, le personnage de Rey, porté par une Daisy Ridley éclatante, reste fort bien que celui-ci en pâtisse. Parfois naïf mais toujours intéressant, ce personnage est soigné et représente surtout l'alter ego parfait de Ben Solo. Un lien, entre ces deux personnages, entretenu à travers la Force qui forme l'une des réussites de ce huitième épisode. Ben Solo, qui est définitivement l'une des pierres angulaires de cette trilogie, aura le droit à une progression très captivante et des répliques très fortes, véritable porteur du propos de ce Star Wars à la manière de Rey dans Le Réveil de la Force. La plupart des personnages, par contre, seront en deçà de ce qu'on pourrait attendre d'un Star Wars surtout après un premier épisode les mettant, pour certains, autant en avant. Dans cette volonté, toujours, d'ajouter de l'ambivalence et de la nuance dans l'univers Star Wars, on s'étonnera d'y retrouver des personnages aussi peu incarnés et des retournements de situation abusivement simplistes. Des personnages, frôlant la caricature, pilotant entre des scènes déséquilibrées, tantôt porteuses d'émotions vite évacuées, tantôt parodiques et fallacieusement ambitieuses, qui n'établiront finalement pas grand chose et dont le potentiel coup de théâtre s'évaporera aussitôt qu'il apparaîtra.


C'est donc le cœur déshérité qu'on attendra un revirement, une proposition mais Rian Johnson s'engouffrera, au fil du film, dans l'accumulation de fausses surprises laissant entrevoir, entre les lignes du script et des visuels à couper le souffle, un scénario plat enfonçant des portes ouvertes mais surtout frustrant par son immense potentiel.

Ewen_LNT
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le 20 déc. 2017

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