Le voici donc ce septième chapitre de la saga Star Wars. Depuis le temps qu'on l'attendait, ou plutôt que vous l'attendiez. Bon, j'avoue je l'attendais aussi cet Episode 7, mais c'était il y a vingt ans, quand Lucas inondait encore les rayons de produits dérivés de sa première trilogie (édition spéciale oblige). J'avais d'ailleurs été très déçu à l'annonce d'une "prélogie" censée raconter les origines du plus emblématique et versatile des personnages de cet univers tant cela me semblait désamorcer l'impact d'un des plus grands coups de théâtre de l'histoire du 7ème art. De même que je rêve depuis 97 de retrouver le lieutenant Ellen Ripley face à des hordes de xenomorphes (patience...), j'ai longtemps entretenu l'espoir de retrouver un jour Luke, Leia, Han, Chewie et les deux Laurel et Hardy robotisés. Et alors que ce vieux rêve de fan est devenu réalité, je dois vous avouer que j'avais quelque peu cessé de l'attendre. Bon, ça ne m'a pas pour autant empêcher d'aller le voir tout à l'heure, c'est vrai. Et puis ce n'est pas comme si je n'avais pas été enthousiaste à la vue de la première bande-annonce mais tout ce battage publicitaire m'a quelque peu blasé. D'autant que toutes les critiques lancées depuis quinze ans à l'encontre de la prélogie de Lucas ont finies par m'agacer. Car s'il est indéniable que cette trilogie est largement passée à côté de son premier public, notamment à cause de la rude concurrence de l'époque (Le Seigneur des Anneaux), à une surenchère numérique parfois injustifiée et à une dramaturgie un rien paresseuse, elle n'en garde pas moins suffisamment de qualités pour rallier désormais à sa cause une bonne partie des fans.


Comme on le sait, le réalisateur et financier céda en 2012 les droits de sa création à la toute-puissante firme Disney, laquelle ne tarda pas à vouloir rentabiliser leur gros achat en mettant immédiatement en chantier cet Episode 7 ainsi que quelques autres projets dérivés. Il y a d'ailleurs quelque-chose d'extrêmement ironique à voir Lucas mis sur la touche aujourd'hui (le bougre s'est récemment prononcé sur le peu d'intérêt que Disney avait accordé à son opinion quant à la direction que prenait cette nouvelle histoire), celui-là même qui, pendant plus de trente berges, conserva jalousement les droits de sa création, régnant sans partage sur un véritable empire financier régulièrement alimenté de sorties ciné, de resorties, de figurines et accessoires, de comics, de bouquins, de jeux vidéos... Aujourd'hui, c'est donc à la souris vorace que revient le privilège de se goinfrer d'un si fructueux héritage, et Lucas a eu beau faire mine de se plaindre, ses quelques milliards ont dû lui apporter assez de réconfort pour soulager son amour-propre.


Bref, l'appât du gain a finalement eu raison des qualités d'auteur du réalisateur de THX 1138 et American Graffiti et les nouveaux films de la franchise Star Wars se passeront donc de sa signature. Il faut dire que tout visionnaire qu'il fut en mettant sur pied sa première trilogie, le gonze avait su s'entourer de collaborateurs talentueux, indispensables au succès de son épopée spatiale. Et ce n'est évidemment pas un hasard si Disney s'est rapidement octroyé les services du réalisateur Lawrence Kasdan (Silverado, Freeway et nous), scénariste des légendaires opus 5 et 6, et par ailleurs gentiment écarté par Lucas de l'écriture de la prélogie. Une manière comme une autre pour la firme de signifier la rupture entre celui-ci et le mythe qu'il a forgé, tout en rassurant les fans quant à la fidélité de cette nouvelle approche.
Il s'agissait donc d'embrayer sur une nouvelle intrigue tout en respectant la mythologie des étoiles dont les millions de fans, plus encore que son créateur, se sont fait les garants indéfectibles. A J.J. Abrams, réalisateur pseudo-geek, de signer le premier "Star Wars Disney" et d'ouvrir de toutes nouvelles perspectives aptes à séduire le public actuel tout en ne faisant pas, comme Lucas avec ses trois derniers opus, l'erreur de contrarier les fans de la première heure par des choix parfois très maladroits (Jar Jar, Jake Lloyd...). La tâche a certainement été dure à assumer et on peut largement imaginer la pression qu'a dû subir le créateur d'Alias et de Lost.


Et force est de constater qu'il s'en est finalement bien sorti tant son film renoue adroitement avec l'imagerie primordiale de la saga (le désert de Jakku, semé d'épaves de la flotte de l'Empire, renvoie évidemment à celui de Tatooïne), restituant la puissance iconique des Jedi et des Sith (l'entrée en scène de Renn en impose) tout en convoquant les figures emblématiques et vieillissantes des héros de la Rébellion. La force de ce septième épisode tient tout autant à la qualité de sa réalisation, souvent plus judicieuse que celle de Lucas (voir comment Abrams privilégie certains effets de plateaux au numérique), qu'à celle d'une intrigue dont le caractère à priori inédit (on ignore ici toutes le suites littéraires et graphiques du Retour du Jedi) réserve son lot de rebondissements, de caméos et de nouveaux personnages propres à redonner un sérieux coup de jeune à la mythologie. Les anciens référents passent ici clairement au second plan (ou se font longuement attendre), ce qui ajoute quelque peu à leur aura légendaire sans pour autant faire de l'ombre aux nouveaux protagonistes, Rey et Finn se révélant l'un et l'autre très attachants dans leur périple commun.


Côté dark, rien n'a vraiment changé. Les Sith sont de retour (encore), à priori toujours au nombre de deux, et semblent ne rien changer à leurs sinistres habitudes. Si le maître se contente de quelques apparitions holographiques façon Palpatine, son disciple, principal antagoniste du film, se révèle particulièrement intéressant, non pas pour le lourd background qu'il traîne mais pour la complexité qu'il propose. Prenant clairement pour modèle le plus illustre de ses prédécesseurs, Kylo Ren laisse entrevoir une totale inversion dans les rapports de force entre Sith et Jedi (ceux-ci n'ayant d'ailleurs plus besoin d'affronter courageusement leur adversaire en binôme). Là où Anakin menaçait progressivement de céder au côté obscur, Ren lui, semble bel et bien tiraillé entre les ténèbres et la lumière. En témoigne certains de ses propos (la prière qu'il adresse à Vador) ainsi que sa réaction, un rien prévisible, lors de la scène charnière de la passerelle. Si ce Sith perd clairement de son charisme dès qu'il tombe le masque, c'est pour révéler les failles d'un jeune homme pétri de faiblesses et de contradictions, très loin du caractère archétypal d'un Dark Maul ou d'un Comte Dooku.


Mouais, rien de bien nouveau me direz-vous, si l'on considère les tourments du jeune Anakin dans la prélogie. Et c'est peut-être là que se situe la faiblesse du film de Abrams. Le réalisateur a beau faire de son mieux pour s'affranchir de l'ombre de Lucas tout en respectant son héritage, son scénario (co-écrit avec Michael Arndt et Kasdan) rechigne à proposer quelque-chose de réellement innovant. Inclure de nouveaux protagonistes en mettant en parallèle leurs trajectoires avec celles de leurs prédécesseurs et cligner avidement de l'oeil à toutes les générations de fans via l'entrée en scène de figures attendues ne suffit pas toujours à masquer le manque d'originalité d'une intrigue qui se contente de fonctionner comme un passage de relais générationnel, parfois audacieux mais souvent prévisible. La nouvelle Etoile noire, le Sith tourmenté, son mystérieux maître, l'exil du dernier Jedi, le sympathique petit robot en guise de sidekick, l'assaut final, tout ça sent quand même un peu trop le réchauffé pour pouvoir convaincre tous les publics.
Mais je vous parie néanmoins que même le moins indulgent des fans appréciera de faire à nouveau le voyage vers cette galaxie lointaine. Et d'y revenir encore... grâce à Mickey.

Buddy_Noone
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le 16 déc. 2015

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Buddy_Noone

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