Le paradigme Wii ?

Quelque part en Californie. Un long bureau plein de "corporates" jeunes, impeccables, bardés de leur i-bidules. Le plus vieux (il a des cheveux gris et un costard à la coupe classique impeccable) en bout de table : "bon, on a misé gros avec le rachat de la franchise. Comment faire pour pulvériser nos records ?"

Un Corporate x : "je pense qu'il ne faut pas decevoir les fans. Aujourd'hui, ce sont les parents qui vont emmener les gosses au ciné. C'est eux qu'il faut viser et plus les gosses. Regardez ce qu'il s'est passé avec la prequelle..."

Tous acquiescent.

Le "vieux" : "oui....revenir aux sources, c'est clair. On prend de l'épisode 4, l'archétype, avec un peu d'empire contre-attaque dedans. Surtout, ne rien changer. D'autres avis ?...oui Jessie ?".

Jessie : "un seul mot, wii."

Le vieux : "c'est à dire ?"

Jessie : "je reprendrai votre argument. Ce sont les adultes qui amènent les gosses au cinema. Mais on pourrait aller au dela. De toute façon, les adultes iront. Et on sait tous que le film n'est que la porte d'entrée aux droits dérivés qui vont retomber pendant une génération. Non. Le probleme n'est pas générationnel. Je vous propose non pas d'augmenter notre chiffre, mais de tendre vers le doublement.

Le vieux : "et la wii dans tout ça ?"

Jessie: " j'y viens. on a 100 % sur les garçons et leurs papas. Mais les garçons sont 50 % de la population....c'est ce qu'a compris Nintendo en faisant sortir la rivière de son lit. Let's dance. Animal Crossing, etc.... La priorité de l'épisode 7, ça doit etre la conquête progressive de ce public sur les trois nouveaux films."

Le vieux: "intéressant...développez je vous prie"
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Et c'est ainsi que la seule nouveauté du film (une espèce de "post-film" tetanisé par le montant des capitaux ( dont le scénario semble avoir été écrit par un algorithme) consiste en ce que le protagoniste principal - et Jedi - manipulateur d'épée laser, devint une protagoniste.

La stratégie est assez évidente. Mais j'essaie d'imaginer comment les garçons de 7 à 12 ans (et plus) se sentiront en découvrant un personnage de l'autre sexe comme alter-ego. Pas sur que ça fonctionne. Ils sont allés voir le premier ceci dit, mais dans le long terme, peut on jouer si facilement avec les mythes et les figures d'identification (y compris le rôle phallique de l'épée laser, et la relation père-fils) ?

Et que ceux qui croient lire entre ces lignes du crypto-machisme se détrompent (ou se préparent au pire).

Car dans le fond, il n'y a pas que de la (froide) logique marketing dans cette séquelle, mais aussi une certaine paresse intellectuelle à penser la valorisation du genre féminin uniquement par l'appropriation systématique de la culture (supposée) masculine. Car ce faisant, d'une manière très perverse, le masculin reste la référence.

Imaginez le jour ou on revisitera des récits "féminins", en donnant la vedette à des hommes, car après tout, on pourrait appliquer la même logique marketing à la Reine des neiges ou à Pretty woman : Richard Gere en "prostitué de luxe" qu'une femme riche sort de la rue. Une chevalière partie estourbir un dragon pour les yeux de son Prince charmant. avec le même premier degrès que les récits originaux.

Bref, doubler l'audience en l'étendant à l'autre sexe, au prix d'un renversement, comme pour ce Star Wars là, mais dans l'autre sens.

Ce jour là, j'aurai tout faux.Mais ça n'est pas prés d'arriver.

En tout cas, on en voit pas la queue du commencement. Et jusque là, on aura sacrifié sur l’hôtel du capitalisme les récits et contes de fées contemporains comme Star Wars qui permettaient les identifications genrées...mais aussi la prise de distance avec ces mêmes rôles. Les conflits avec le père, qui a emprunté le même chemin, la tentation de la violence, la nécessité du contrôle de soi...

Au final, tout cela n'aura aucun effet "positif" sur les filles, pour qui problématiques sous-jacentes à ces récits ne trouvent pas d'écho, et les garçons, eux, iront voir ailleurs. Car la culture aussi a horreur du vide.
Ce qu'est devenu, tristrement la franchise.