On m’aurait dit il y a dix ans que je serais déçu par un film de Malick et enthousiaste pour un Star Wars je ne l’aurais pas cru. Merci J.J. Abrams. Je n’ai envie de dire que ça ce soir. Je ne suis pas un fan de la franchise, je l’ai découvert bien tardivement, mais j’aime bien. Je pense que ce qui m’a fait du mal c’est de voir un jour les six à la suite, j’en ai beaucoup souffert. L’overdose. Mais j’y suis suffisamment attaché – enfin uniquement à la première trilogie – pour me délecter de la sortie d’un nouveau chapitre.


 Et Abrams réalise sans aucun doute le meilleur épisode depuis L’empire contre-attaque. Un monstre d’action et d’humour doublé d’un regard résolument moderne. Mais plus qu’un film d’action, c’est surtout un grand film d’aventures, une vraie chasse au trésor, patte Disney à la sauce Abrams et ses relents de Lucas. Ça donne un mélange assez savoureux. Un trésor qu’il faut à la fois dissimuler et protéger (de la dictature qui ne souhaite que sa destruction) mais qu’il faut avant tout chercher. Le voyage d’une carte incomplète et codée, relayée entre personnages. Une carte qui indiquerait où se terre Luke Skywalker, le dernier Jedi, qui a déserté depuis bien longtemps. C’est tout l’enjeu de The Force Awakens, maigre dirait-on s’il n’offrait pas le spectacle et l’émotion inhérente escomptée.
La modernité intervient essentiellement au sein des entités importantes du récit. Les grands espoirs de la résistance sont bientôt placés dans Rey, une jeune pilleuse d’épaves solitaire ; Son alliance improvisée (pour sauver le droïde convoité) opère avec Finn, un Stormstrooper rebelle (la première séquence Destruction du camp/Casque blanc maculé de sang pose de bonnes bases) qui se prétend résistant. Leur évasion commune, jusque dans un vaisseau de contrebandiers puis vers la planète Takodana offre de savoureux instants de duo tendance buddy movie comme on pouvait l’apprécier entre Hamill et Ford jadis.
Puis il y a Kylo Ren, un garçon hésitant, torturé, arborant le vestige de Vador, son grand père, en portant un masque inutile, il est coincé entre deux forces, deux mondes, extériorise sa colère par des accès de rage, il souhaite tellement exister quelque part, espère devenir une figure emblématique du Mal mais ne l’est pas vraiment, lui conférant une impulsivité probablement plus dangereuse encore (Quand Vador sauvait son fils, Kylo tue son père). Deux séquences importantes : Son erreur de prendre Rey tout en laissant BB-8 puis plus tard la rencontre sur la passerelle (Tout le cérémonial mis en place à cet instant ne laisse aucun doute quant à son issue même si bordel, c’est douloureux) sont des comportements bruts, des combats irréfléchis qu’il croit faire contre la résignation.
La complexité du récit ne le rend pas imbuvable pour autant, c’est au contraire très limpide et idéalement orchestré. Alors c’est vrai que tout est hyper mécanique, trop bien orchestré justement. Qu’une fois qu’on a compris comment le film respire on voit tout venir, mais bon sang ce que c’est réjouissant en tant que pur divertissement, ça ne faiblit jamais, ça passe en un claquement de doigts. C’est aussi parfois inégal dans la caractérisation des personnages – Il y a ceux qui plaisent instantanément comme Maz Kanata, ceux qui laissent indifférent comme Snoke (Au moins on ne doit pas se coltiner un pénible Jar Jar Binks) – mais il ne faut pas oublier que c’est le film de lancement, donc qu’on est amené à les connaitre davantage.
En fait c’est surtout un film miroir de A new hope, en un poil plus dark (l’anéantissement de la République en trois pauvres secondes, purée…) et c’est assez fascinant sans que la citation dévore tout. Chaque plan de cet opus Abrams réenclenche le mythe. C’est fait par un amoureux de la franchise et cela se voit. Jakku ressemble beaucoup à Tattoine. Des images restent comme le masque détruit de Vador, la première réapparition du Millenium Falcon, du sabre Jedi bleu. Bref, autant d’instantanés précieux, jamais trop sages ou trop grossiers. Une affaire de dosage. De sublime dosage.
Abrams parvient à dénicher ce que Lucas avait oublié dans sa prélogie : Proposer un nouvel élan, lumineux et nostalgique, tout en offrant généreusement sa dose au fan club dont il a fait partie. On ne compte donc plus le nombre de clins d’œil (discrets ou non, difficile de tout relever) et de références, à des objets, des personnages, des lieux, des situations croisées jadis. Et pourtant donc, il me semble qu’on peut tout à fait aimer ce septième volet sans aimer ou sans avoir connaissance des six premiers. Ce qui n’était guère possible avec la deuxième trilogie. La réussite est là à mon sens.
La deuxième trilogie, elle, ne réactivait que les origines, pensait qu’en terme de raccord, tandis que celle-ci, s’inscrivant dans la continuité de la première, trente ans plus tard comme en vrai pour être précis, active une douce nostalgie et des correspondances étonnantes, sur l’enfance, le vieillissement, le deuil (thématiques éminemment Abramsiennes) qui en font un objet nettement plus émouvant. Acteurs/personnages/spectateurs habitent la même sphère temporelle. Rey est comme nous, plutôt nous sommes comme elle (je me place en fan, allez) : Elle a été bercé par les soulèvements résistants et les aventures Jedi. Elle vibre en prononçant le nom de Han Solo, rêve en imaginant sa rencontre avec Luke.
L’humour aussi a toujours fait partie intégrante de la Saga. Avec les retrouvailles de Han Solo et Chewie on aurait pu craindre que l’humour leur soit entièrement dédié, qu’ils soient les seuls à faire rire. Que nenni. Ce septième épisode est souvent drôle ailleurs, sans doute aussi parce qu’en tant que remake de A new hope il fusionne l’ancien et le nouveau. Ainsi il y a beaucoup de Han Solo dans Finn, comme il y a du Luke dans Rey, un mix de R2D2 et C3PO dans BB-8. On s’y retrouve.
Encore une fois, le déplacement pouvait être grossier mais il s’avère très beau, tout simplement parce que les premiers personnages existent toujours. L’émotion qui sourde lors de la première entrevue entre Han Solo et Leia est bien réelle. Celle de la passerelle je n’en parle même pas.
Evidemment, Abrams n’est pas libre comme il peut l’être dans Super 8 mais je trouve qu’il apporte sa patte, qu’il se crée sa propre trilogie, qu’il n’a plus besoin de jouer sur le fantasme du raccord, qu’il peut inventer d’autres personnages. Tout n’est pas parfait mais le geste me plait. A chaud c’est donc un grand Oui. Car l’essentiel dans tout ça : J’ai super envie de voir les suivants. Bon et puis ce générique et texte déroulant coutumier, pour ne citer que ça, fou sa dose de frissons. Entre autre.
JanosValuska
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le 4 févr. 2016

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