Le réveil de la force est à la fois plaisant et frustrant pour le cinéphile que je suis. Plaisant car il y a un indéniable plaisir à retrouver l'univers kitsch des épisodes 4-5-6 avec la finition technique moderne et ces petits cabotinages d'acteurs (que Marvel utilise également). Frustrant car le degré de liberté accordé au scénario frôle le zéro. C'était évident pour une franchise aussi exploitée que Star Wars, tout est verrouillé par des compromis ou des choix stratégiques qui viennent tuer la spontanéité des situations. C'est l'argument du perpétuel insatisfait, mais une fois passé la première demi heure (qui nous fait redécouvrir avec le même enthousiasme que la première trilogie l'univers que nous avions quitté), c'est ce sentiment de spectacle très dirigé qui nous envahit. Le film en a toutefois conscience, et prend certaines initiatives intéressantes sur lesquelles nous allons revenir (avec des spoilers, je le crains).


Exit la prélogie, cette nouvelle saga mise tout sur un retour à l'ancienne. Pas très audacieux, et avec le lancement du contexte et le nouveau dark vador, on peut clairement craindre une formule à la Terminator Genisys. Ca m'énerve d'ailleurs de voir ces empires du mal qui ne fonctionnent pas et qui ont toujours des moyens plus énormes et conséquents au fur et à mesure des films alors qu'ils perdent clairement la guerre. Mais passons sur ces stéréotypes. Outre le plaisir de redécouvrir l'univers de Star Wars, on constate que J. J. Abraams pille également ses petites audaces techniques qu'il avait utilisé sur Star Trek (on s'en doutait), en effaçant complètement son style dans cette commande. Il n'y a plus ces mouvements de caméra caractéristiques, ce goût pour la nuance des camps bien/mal, et surtout LA séquence qui marque (sur Into Darkness, la sortie en apesanteur). On reconnaît les courses poursuites en espace confiné, une bonne gestion de rythme et une direction d'acteur plutôt enthousiaste. Il y a néanmoins tout ce qui faisait le programme d'un bon star wars, à savoir des décors audacieux, quelques scènes d'actions bien senties au niveau des combats (on notera un joli plan séquence au cours duquel on suit à la fois l'action au sol et d'un vaisseau de combat au second plan). Malheureusement, ce programme implique aussi une recette que l'on connaît déjà pour le mal...


à savoir un dark vador apprenti pas encore très fiable (nous allons explorer ce point), et surtout une nouvelle étoile noire (encore ? Mais ça en fait 2 déjà détruites ! Ils ne pourraient pas tourner la page ? Non, car pour le IIIème Reich, une troisième étoile était nécessaire...) que la résistance doit démolir. N'oublions pas qu'il faut libérer aussi une femme prisonnière. Et bien sûr la destruction de plusieurs planètes, ici torchées en 5 secs et sitôt oubliées par le reste de la résistance. Oh, la république est tombée, là ! Et on s'en fout ?


On a déjà vu cela, pourquoi ne pas tenter autre chose ? Bien dommage, surtout quand un film fait l'effort de remplir tous ses enjeux annoncés alors qu'il savait qu'il avait encore 2 suites pour rallonger la sauce. Ce petit face à face final aussi fait plaisir, car il ouvre davantage de possibilités pour le prochain film, alors que la technique d'une saga comme Le Hobbit consistait justement à nous couper en plein milieu d'un objectif pour nous forcer à revenir (la fin du premier restait quand même honnête à ce niveau, la transition entre le 2 et le 3 me fait encore rire aujourd'hui). Les petites surprises viennent aussi du traitement du nouveau Vador. Pour plus de discrétions, elles seront traitées dans le spoiler suivant :


Le nouveau Vador a un look moins plastique que l'ancien. Il n'hésite pas non plus à retirer son masque, preuve d'une ambition d'humanisation du personnage (qui se notait déjà dans la volonté d'en faire un rageux qui se défoule sur le matériel quand ses plans capotent). Cette ambition trouve davantage de profondeur en se retrouvant comparée à la simple force militaire de ce "premier ordre" qui se démontre bien plus efficace que les agissements en solo du nouveau prince noir qui entretient lui même des doutes sur son itinéraire idéologique. Ce côté du personnage est en revanche intéressant. Lors d'une séquence émotion capitale, il aurait pu y avoir un basculement qui nous aurait amené dans l'inconnu (à savoir la reconversion d'un apprenti Sith et son chemin vers la rédemption). Mais la séquence a lieu sur un pont surplombant un vide lumineux. Son issue a donc été une frustration pour moi, même si la séquence est émotionnellement un peu plus fonctionnelle que la légèreté habituelle, et qu'il s'agit là d'un choix économique couillu. On élimine un personnage charismatique ancien, quoi ! Ils n'ont pas intérêt à le faire revenir bien sûr, mais le contexte sombre est un peu plus poussé que dans les anciens films.


L'arrivée tardive de R2D2 et C3-PO achève de boucler le spectacle vintage qui a surtout le bon goût du kitsch à l'ancienne (contre toute attente, pas mal de masques en latex) et qui se lance dans de nouvelles aventures. Faut sérieusement bosser sur l'originalité des futurs rebondissements, mais on est là en présence d'un gentil spectacle, bien dépoussiéré quoiqu'un peu besogneux.

Voracinéphile
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le 18 déc. 2015

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