Autant j'avais été totalement conquis par le reboot opéré par J.J. Abrams sur Star Trek - tout ce à quoi on pouvait s'attendre d'un space opera moderne ; disons aussi que la saga des Trekkies est plus spécialisée, et ses codes font moins parti de la culture populaire - autant je trouve que, pour ce Star Wars, Abrams a bien du mal à s'émanciper de l'héritage trop lourd de 40 ans de Star Wars. Même en tant que spectateur non aguerri, j'ai clairement ressenti Abrams contraint au travers de ces innombrables clins d’œil aux œuvres précédentes.


On pense évidemment à Jurassic World, ou même à Tron: Legacy, dans cette façon de revenir sur un univers ancien et de le moderniser en une suite/reboot. Dans L'Éveil De La Force, l'histoire se situe trente ans après la destruction de l'Étoile de la Mort par Luke Skywalker. Les Jedi sont alors devenus des légendes, les vaisseaux qui ont mené la guerre de front ne sont plus que des vestiges oubliés, et les figures de proue d'un affrontement entre force obscure et lumière sont relégués au rang de mythes après lesquels seulement quelques fanatiques semblent courir. Le monde évolue et, inlassablement, l'histoire se répète. Un Premier Ordre hitlérien tente d'anéantir la République, faisant alors face à la Résistance.


C'est ainsi que débute ce nouvel épisode de Star Wars, revisitant petit à petit les films qui ont fait la légende du cinéma au sein d'un long-métrage qui semble mettre en abyme cette notion. À destination du spectateur non-aguerri, les protagonistes ne sont composés que de nouveaux venus qui réapprennent également cette mythologie oubliée et leur place dans l'univers Star Wars. Daisy Ridley, extrêmement habile devant la caméra, délivre un jeu irréprochable et ses mimiques jouent assurément en la faveur de son capital sympathie. À ses côtés, s’illustre John Boyega, un peu trop utilisé comme comic relief, alors que l'histoire de son personnage est peut-être l'une des plus intéressantes de ce nouveau film. À mesure que le terrain redevient familier, que les carcasses de vaisseaux sont dépoussiérées, et que de vieilles têtes refont leur apparition pour accompagner l'aventure, et chapeauter ces nouveaux personnages pour, dirons-nous, faciliter la transition, cet épisode se raccroche davantage encore aux films passés.


Bien que le dernier Star Wars n'est pas si vieux, la technologie cinématographique a suffisamment évolué pour que ce volet apporte du neuf. C'est alors admirable de voir tous ces concepts traverser les âges du cinéma et être remis au goût du jour, avec les techniques actuelles. Visuellement, il n'y a guère de chose à reprocher, hormis une 3D valable seulement pour une poignée de plans et autrement bien sale avec des arrières-plans troubles et beaucoup de ghosting. Les effets spéciaux sont léchés et certains plans sont superbement composés. Dommage que les passages de planète en planète soit aussi succincts. Côté action, c'est du Abrams pur jus et ses scènes sont totalement débridées, avec des séquences virevoltantes dans des décors tout numérique parfois dignes de cinématiques de jeux vidéo. Pour autant, cela intervient majoritairement à l'approche du finale car, avant, le cinéaste n'hésite pas à utiliser des méthodes oldschool qui ravivent le charme désuet et la nostalgie des épisodes d'antan. On apprécie également les dérives de John Williams sur les thèmes originaux cultes. Malgré des compositions solides sur l'ensemble du film, on peut tout de même lui reprocher de ne pas avoir élaboré de nouveau(x) thème(s) mémorable(s) pour symboliser cette nouvelle trilogie.


Si Han Solo et Chewbacca sont revenus "à la maison", le spectateur, lui, a parfois du mal à reconnaître cet univers pourtant familier mais étrangement différent. Paradoxalement, en dépit de tout l'hommage à cette mythologie populaire, l'Éveil de la Force a du mal à nous convaincre qu'il est réellement un Star Wars. Peut-être parce que l'ambiance particulière en début de film est très vite balayée pour revenir à de l'action classique. Peut-être aussi parce que le film est trop dans un esprit moderne : les décors sont beaux, les effets spéciaux aussi, le rythme est haletant et certaines séquences d'action sont renversantes, mais tout cela ne diffère pas beaucoup des grosses productions habituelles. Surtout si l'on rajoute l'humour américain familial typique déjà écumé de fond en comble chez Marvel. Certes on s'amuse à plusieurs reprises (BB-8, Finn), mais c'est le bémol : l'humour est finalement trop présent et semble être le moteur principal des scénaristes pour faire passer du bon temps au public ; ce qui empêche une vraie dramaturgie de s'installer et, par la même occasion, avec son ambiance "bon enfant", le long-métrage manque du côté épique de la franchise.


Notons également la présence anecdotique de quelques personnages comme Captain Phasma ou Hux, alors qu'ils accaparaient la promo. Pareillement, la psychologie de l'antagoniste Kylo Ren est des plus intéressantes, mais le traitement du personnage (qui perd vite son aura) laisse à désirer. Sans compter les nombreux raccourcis scénaristiques et facilités d'écriture pour garder un rythme ténu et faire valoir les personnages en vue des prochains épisodes. Car ce nouvel épisode de Star Wars n'est clairement pas au niveau de toute l'attente suscitée. Il ne révolutionne rien, et ne propose finalement pas grand chose de novateur dans son approche, que ce soit pour le genre, ou pour l'univers de Star Wars. Cependant, il n'en reste pas moins un film vibrant et coloré, emmené par des personnages attachants et bourré de références pour les fans de la première heure. C'est un peu le cahier des charges d'un film moderne même si, pour le coup, la liberté créative relative et le ton hésitant peinent à nous le faire vivre comme un Star Wars.

AntoineRA
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le 23 déc. 2015

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