Quand j'étais gosse, Star Wars m'a enseigné un certain nombre de valeurs.
SW m'a appris que nous étions tous égaux et qu'il suffisait, pour exceller dans un domaine, de s'y intéresser, s'y plonger, se surpasser, apprendre. Que si l'on souhaitait brûler les étapes, se reposer sur ses acquis, on en payait le prix. On apprenait en acceptant l'échec. Ainsi, notre destinée, avec celle des personnages, n'était dictée que par ce l'on choisissait de devenir et par les moyens mis en œuvre pour y arriver.
Star Wars m'a aussi appris un certain sens de l'amitié, du respect et de la tolérance envers autrui, qu'il s'agisse d'opinion politique ou culturel. D'observer, écouter, avant de juger et d'agir. Que celui ou celle qui ne prenait pas le temps de penser, de juger une situation, se voyait la compromettre plus encore et se compromettre soi-même.
Mais Star Wars, c'est aussi un univers, avec ses codes et son background. Bien-sûr, le plus central réside en la Force.


Car qu'est-ce que c'est, la Force ?
Obi-wan Kenobi, le premier, m'a appris que la Force résidait en chaque chose et chaque individu, un fluide qui nous reliait tous. Les Jedis étaient donc un ordre religieux de "moines armés" qui, à force d'apprentissages, de méditations, de sagesse accumulée et, surtout, d'ouverture au monde, savait ressentir, distinguer et utiliser cette Force. Mais, telle la Poussière de Pullman dans sa Croisée des Mondes, Qui-Gon Jin nous a aussi appris que ce fluide que l'on nommait la Force était donc bien réel et quantifiable par la présence de cellules représentant la Force que l'on nommait les Médichloriens. Pourquoi pas, après tout, dans un monde si évolué que ce qui est indicible mais bien réel (puisqu'utilisable) soit analysable par la science. Et c'est grâce à leur ouverture à la Force que ces Jedis étaient devenu, par la force des choses, une sorte de justice élémentaire à travers toute la Galaxie.
Pourtant, pour accéder à la Force il ne suffit pas de connaître son existence et d'y être réceptif. Les Skywalkers nous ont bien appris une chose ; c'est qu'on a beau être réceptif à la Force, il nous faut avant tout la comprendre et s'exercer pour parvenir à se lier à elle, à ne faire qu'un avec elle, à l'instar de certains grands Jedis dont le corps et l'esprit rejoignirent ce fluide à leur mort.


Enfin, outre un récit initiatique et un monde pensé et tangible, c'est aussi une innocence, une sincérité, qui entourait Star Wars et la nourrissait. Georges Lucas a toujours chéri son œuvre et voulait apprendre aux autres, par elle. C'est cette force, cette sincérité limpide qui a toujours fait la puissance du propos et des enjeux de Star Wars, la force de ses personnages et de leurs actes. Une honnêteté dans le propos mais aussi dans son discours avec le spectateur. Bien entendu, il y a toujours eu de nombreuses notes d'humour dans ces films, mais qui fût toujours accepté comme partie intégrante de l'action en cours ou de la relation entre les différents protagonistes du récit.


Mais alors, qu'est-ce que nous apprend The Last Jedi et, avec lui, son prédécesseur ?


The Last Jedi nous apprend que, tout compte fait, nul besoin d'apprentissage pour s'ouvrir et contrôler la Force. Cette nouvelle trilogie nous apprend que, non, nous ne naissons pas égaux. Que certains ont une facilité à se lier à la Force sans autre forme d'apprentissage que le fait de connaître son existence et, plus encore, de la maîtriser à un niveau bien supérieur à ces individus qui se sont ouvert à elle, ont communiqué avec elle, ont appris d'elle. Rey nous apprend que, finalement, il n'y a pas de mérite dans Star Wars.
Si Luke daigne lui apprendre une chose, c'est que la Force ne sert pas qu'à soulever des cailloux. Pourtant, l'épreuve finale qui permettra à Rey de s'assumer publiquement comme une Jedi accomplie (et sans formation) sera bel et bien de soulever des rochers.
Mais alors, que nous apprend The Last Jedi ? Qu'il suffit de le vouloir pour l'avoir ? Tel Leïa qui, si elle créait auparavant un duo parfait avec son frère jumeau (la Reine et son Chevalier), était capable sans aucune forme de procès de manier la Force de façon plus puissante encore que tous les Grands Sages que nous avions découverts auparavant ?
Donc, les enfants, désormais vous apprendrez qu'il est bien rapide et facile d'obtenir ce que l'on souhaite. Que vous pourrez brûler les étapes, sans jamais vous brûler les doigts. Que ceux qui seront bien nés gagneront toujours sur ceux qui n'auront pas leurs facultés. Que le monde, sommes toutes, et bien cruel.
Et quand The Last Jedi ne nous apprend pas cela, remettant en cause un univers mais aussi une certaine perception de la vie et du monde qu'il illustrait, il nous montre des personnages qui, sommes toutes, n'apprennent rien. Si Rey accède au pouvoir sans difficulté ni conséquence, Finn sera celui qui tournera en rond, se questionnant sans cesse, désirant fuir, puis se retrouvant confronté à un choix par la force des choses et les décisions des autres autour de lui pour, enfin, choisir de rejoindre un camp, allant jusqu'à manquer de se suicider face à son ennemi. Chose qu'il aura déjà fait dans le 7 et refera dans le 8 sans autre forme de procès. Finn a besoin d'une psychanalyse.


Nombreux sont les fans à se désoler de cette perte d'une loi tangible qui régnait dans la Galaxie. Celle de la Force et son fluide, celle du parcours initiatique, de ses épreuves et de ses embûches.
Mais, et si la véritable perte de cette nouvelle trilogie était tout autre ?


Et si, en réalité, ce n'était pas la Galaxie qui avait changé, mais les spectateurs et les chefs d'orchestre ?
Car ce qui semble vraiment se démarquer de façon anodine dans ces nouveaux Star Wars, c'est avant tout leur attitude. Oubliez l'innocence de Luke, oubliez la naïveté d'Anakin et la sincérité de Georges Lucas.
A l'instar de nombreux modèles avant lui, Star Wars est gagné par une maladie ; celle du cynisme, de l'ironie. Celle d'un humour décalé aussi, mis en scène pour la simple raison d'exister, sans lien avec l'action ni même avec les personnages qui la compose. On appelle ça un recul critique, parfois.


Et c'est dans ce recul critique que The Last Jedi s'assume pleinement, puisqu'il mettra tout en oeuvre pour déconstruire le fiel de ce qui faisait Star Wars : sa mythologie, son discours, sa raison d'être.


Mais, à force de dépenser son énergie dans la déconstruction du passé, à force de tout mettre en œuvre pour le juger, le critiquer et vouloir le modifier, démontrer son individualité, sa nouveauté... Que mettons-nous en place pour le futur ? Et quel futur désirons-nous ?
Ou, du moins, quel est le prix que nous désirons mettre dans ce futur ? Quels sont les sacrifices que nous accepterons de faire pour devenir ce que nous souhaitons être ?


Aucun prix à payer, nous répond Disney, hormis celui d'un ticket de cinéma. Mais, après tout, dans deux ans vous aurez oublié tout cela, n'est-ce pas ? Et vous serez tout émoustillé à l'idée de retrouver une nouvelle fois votre doudou, votre Galaxie si lointaine qu'elle vous semble désormais hors d'atteinte, cette Galaxie qui autrefois vous apprenait que, la Vie, c'est une succession de choix et d'embûches. Cette Galaxie qui vous disait que, ce qu'il faut sauvegarder à tout prix, c'est l'honnêteté, l'amitié et l'amour. Cet amour assassiné, cette amitié superficielle, cette honnêteté disparue.

Quentin_Blot
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le 22 déc. 2017

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