Après les échecs publics et critiques de Man Of Steel et Batman V Superman : Dawn Of Justice (très injustes selon moi), Warner panique. Le studio angoisse à l'idée de sombrer sous le poids du paquebot Marvel (qui pèse tout de même 10 milliards de dollars au box-office), redoute les foudres du public, craint de devenir la risée des grands studios d’Hollywood, en bref : il a peur pour sa vie. En quête d’une recette miracle pour redorer son blason, le studio lance Suicide Squad, un film centré sur une équipe de méchants plus ou moins obscurs, censé devenir un incontournable du fun et de l’impertinence. Au final, c’est un film vulgaire, laid, souvent gênant et très indigeste qui débarque dans nos salles obscures.


Centré sur le groupe de héros/méchants plutôt que sur son histoire assez banale, le film fait ainsi le pari de nous séduire quasi-exclusivement au travers des caractérisations de personnages et des relations qu’ils tissent. Ce qui donne lieu en pratique à une ouverture répétitive à l’extrême, reprenant jusqu’à l’étouffement un modèle simpliste : une chanson populaire (Queen, Rolling Stones et j’en passe), cinq minutes accordées au personnage pour se présenter, et au suivant ! Le contrat n’est d’ailleurs pas respecté puisque là où des personnages comme Deadshot (Will Smith) ou Harley Quinn (Margot Robbie) auront tout le film pour évoluer, la plupart des autres personnages ne bougeront plus d’un pouce après cette présentation initiale. Il faut dire que les personnages secondaires ne sont pas très attirants. On est en effet confrontés à quelques clichés racistes bien savoureux, notamment sur le Japon et le Mexique, sans compter le personnage de « l’Indien de service », qui ne rejoint l’équipe que pour mourir cinq minutes plus tard.


Se dégageant donc comme les moteurs principaux de l’intrigue, Deadshot et Harley Quinn ne sont pas beaucoup plus convaincants que les autres, le premier car très édulcoré (on retrouve le schéma du bon père de famille au cœur brisé cher à Smith et absent des comics d’origine) tandis que la seconde est réduite à un simple objet sexuel, se trimballant dans un mini-short bien racoleur tout le long du film. Le paroxysme du mauvais goût est atteint lorsqu’elle danse autour d’une barre de pole-dance dans le simili-club SM du Joker. La relation qu’Harley entretient avec ce dernier est par là-même réduite à une amourette d’adolescente, tantôt outrageusement érotisée, tantôt assez puritaine.


Puisqu’on en parle, attardons-nous un peu sur le Joker, personnage mythique de l’univers de DC, antagoniste inoubliable de l’homme chauve-souris qui n’apparaît au final que dix bonnes minutes sur la totalité du film. Quand on sait que toute la communication s’est axée sur sa présence au casting, on flaire la malhonnêteté du studio. Et ce n’est pas l’interprétation assez décevante de Jared Leto qui rattrapera le tir. A sa décharge, le reste du casting ne tient pas la route non plus et la direction d'acteurs semble avoir été chaotique : à l'exception de quelques fulgurances (trop rares, hélas) de Margot Robbie, les acteurs semblent perdus au milieu de tout ce bazar. Mention spéciale à Cara Delevingne, qui cabotine comme jamais.


S’ajoute à cette longue liste de reproches une mise en scène qui manque beaucoup de finesse, des effets de style d’un autre âge (notamment les filtres de couleur de la scène d’ouverture), un montage qui se veut "pop" et se révèle anarchique et parfois assez incompréhensible et un rythme qui s’essouffle dans la deuxième partie du long-métrage, nous amenant jusqu’à nous ennuyer pendant le climax.


Suicide Squad est donc une totale déconfiture (à incomber en partie aux retouches du studio, il est vrai) et cela amène un autre problème : compte-tenu des précédents résultats de Warner et de l’accueil très froid réservé à ce nouvel opus, les plus pessimistes d’entre nous y verront peut-être déjà le coup d’arrêt de la "Justice League" au cinéma, désormais conspuée par le public. Je prie pour que ce ne soit pas le cas…

Bewaretheblob
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le 6 août 2016

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