Le jeu des 7 terreurs... pardon, erreurs.

Si vous êtes un apprenti scénariste, un apprenti écrivain, un apprenti réalisateur, un apprenti bédéiste, un apprenti quoi-que-ce-soit impliquant l'écriture ou la narration, vous vous devez de voir "Suicide Squad".


Mais pas comme un film, non. Comme une sorte de leçon inversée, qu'on pourrait intituler "Tout ce qu'il ne faut pas faire pour introduire et développer ses personnages". Je pense même qu'on pourrait vous brandir comme menace "Si tu continues à travailler tes persos comme ça, tu feras Suicide Squad 2".


Et vu le niveau du machin, c'est une menace de poids.


Plus en tout cas que les prétendus "salopards" de ce film.


Passons vite fait sur ce qui est réussi : la bande-son - qui se contente de compiler des bons titres connus, de "Bohemian Rapsody" à "Sympathy for the Devil" au pif, sans trop se soucier de l'action que la musique est sensée supporter. Mais bon, c'est de la bonne came alors c'est toujours ça d'agréable.


On peut aussi noter quelques chouettes idées dans le visuel, notamment l'usage des couleurs flashys, qui reste très en marge, là où il aurait pu donner au film une identité esthétique, complètement absente car faite de bric et de broc (j'y reviendrai dans la conclusion), quelques plans assez sympa lors de l'introduction des personnages (et dont vous aurez pu voir la quasi intégralité dans les bandes-annonces. Oui, tous les plans réussis sont dedans).


Ensuite - et ça reste totalement subjectif de ma part - j'ai assez aimé la prestation de Leto en Joker. Enfin "prestation", c'est beaucoup dire vu qu'il est totalement secondaire dans le film, qui ne lui laisse absolument pas le loisir d'occuper l'espace mais du microscopique bout qu'on en voit, je trouve qu'il a du potentiel. Et de toute façon, peu importe le mal qu'on peut penser de ce joker, il aurait été plus intéressant que le reste du casting. Même si je me trompe et que Leto est peut-être un joker minable, il aurait été plus intéressant et pas besoin d'être pointilleux pour l'affirmer. Voilà pour les trucs positifs.


Maintenant, tirons à vue.


Il y a une règle absolue quand on introduit des personnages, une règle que n'importe quel auteur, réalisateur, prof de scénario vous affirmeront quelle que soit leur conception de leur métier : il faut montrer, pas dire. À plus forte raison quand on parle de cinéma où il me semble que le média principal est toujours l'image, mais je peux me tromper, hein.


Hé bien "Suicide Squad", ce principe de base, il ne l'a pas compris. Le film nous écrit - oui, oui nous écrit - que Deadshot a tué x personne et est dangereux à moins de tant de kilomètres (une affirmation caduque dix minutes plus tard quand il tire sur Batman et le loupe à bout touchant... voilà pour le tireur d'élite), qu'Harley Quinn est folle (sauf que son personnage est aussi convaincant dans la folie que Genièvre jouant Cassandre dans kaamelott), que Killer Croc est un monstre, etc... et dans la pratique, que voyons-nous ? Six péquins un peu roublards, voire en souffrance, se faire martyriser par des gardiens de taule, puis des militaires, ou par Batman. C'est simple, l'exposition est tellement foireuse qu'à aucun moment on ne VOIT la folie ou la malveillance des protagonistes, qui font plus figure de victimes traînées dans la boue à cause de leurs différences que de leur potentiel nuisible. Du coup, Amanda Waller et sa gueule de constipée ont beau répéter qu'ils sont vilains, la seule salope effective que l'on voit... c'est elle, qui manipule les sentiments de ses propres hommes et exploite une archéologue possédée par un esprit maléfique qui la terrifie. Nous sommes donc dans un schéma ultra classique des gentils mutants et du vilain gouvernement. Le film peut bien nous seriner le contraire, vu qu'il ne le montre jamais, il ne convainc personne. Et vu que le développement soude une "amitié" entre ces pseudos salopards, autant dire que le peu de crédibilité du truc finit enterré au cours d'un monologue surréaliste de deadshot en mode "je ne suis pas un héros" qui rallie tout le monde à sa cause. Imaginez-vous deux secondes le joker, le pingouin, double-face et poison ivy se découvrant une amitié soudaine et partant combattre le mal bras-dessus, bras-dessous.


Vous avez rigolé ? N'espérez pas le faire devant le film. Les "blagues" donnent l'impression d'avoir été rajoutées au montage et font office de remplissage comique lourdingue et inutile tant il ne vole pas haut (si l'humour des avengers vous semble lourd, fuyez, celui de "Suicide Squad" va vous faire l'effet d'un parpaing sur la gueule) mais mérite apparemment que l'auteur de cette blague l'explique. Naturellement, une partie de cet humour et de la caractérisation des personnages véhicule de bons gros clichés racistes (sur les latino, les asiatiques et les australiens) et sexistes.


Harley Quinn, pour sa première apparition au cinéma est une petite pouffiasse enchaînant les répliques idiotes qui tentent vainement de lui conférer un côté absurde mais cristallisent seulement son côté "poupée gonflable". L'actrice fait ce qu'elle peut avec son mini-short ras le cul mais comme Leto, elle n'a aucune marge de manœuvre. Au passage, la relation Joker/Harley est transformé en romance de conte de fée (Relation abusive ? Syndrome de Stockholm ? Série de 1992 ? Comics ? Non mais mon canard, le film s'en bat les couilles, si, si.)


Naturellement, d'énormes incohérences jalonnent le film (le point faible de l'adversaire qui devient brusquement ineffectif quand ça arrange le scénario, les soldats qui ne dégomment pas la suicide squad quand l'un des membres se tire tranquillou sous leur nez, etc...) mais la plus grosse réside dans le pitch de départ : recruter l'équipe de criminels pour lutter contre un éventuel "evil Superman". Équipe qui s'est fait quasi-intégralement foutre en taule grâce à des superhéros ( Batman et Flash) et sont donc ... moins efficaces que lesdits superhéros. Surtout si on considère que Batman s'est déjà cogné avec l'homme d'acier, on ne voit absolument pas l'intérêt d'envoyer contre lui une équipe composée à 99% de personnages sans aucun super-pouvoirs, dont les capacités se limitent à celle d'un gang de rue. Pour le coup, c'est bien la "Suicide Squad", vu que leur chance de survie contre un superman serait de l'ordre de la nano-seconde. Le seul membre véritablement puissant du groupe se retourne contre eux au bout de vingt minutes de film et devient le grand méchant, contre lequel la fine équipe gagne grâce à la magie du twist que je qualifierais de "tiens on avait pas utilisé ce personnage, ça sera notre as dans la manche !" ou encore deus ex machina, bien feignant. Le rythme global du film est extrêmement mal foutu, pour couronner le tout, avec une exposition de presque 50 minutes relativement soutenue - épileptique - puis une sorte de longue scène d'action chiante, mal chorégraphiée et sans enjeux, puisqu'on a strictement rien à foutre des pékins à l'écran. Donc, même côté divertissement, ce truc n'a rien à offrir.


Dernier point et pas des moindres : Will Smith.


Soyons clairs : je suis pas fan de Will Smith, qui pour moi se contente de rejouer la même chose depuis Men in Black sans jamais se renouveler. Et à la fin de ce film, j'aurais payé cher pour lui foutre un de ses flingues phalliques dans la bouche et lui coller deux trois bastos afin qu'il ferme enfin sa gueule, tant il est omniprésent, insupportable de poncifs du bon père de famille et de mec cool qui pisse le plus loin. C'est simple, son jeu est une espèce de photobomb permanent, il est systématiquement là, systématiquement en train de l'ouvrir pour prouver qu'il a la plus grosse face au chef d'escouade, qui s'écrase afin de démontrer au spectateur que Will Smith est trop cool. C'est lourd. Ça vous coulerait un porte-avion. Les héros comme ça, ça fait plus rêver personne sinon les beaufs confits dans leurs pseudos idéaux de virilité (oui, je suis un mec et non, pour moi ce perso n'est pas viril, il me donne personnellement envie de lui éclater la tronche contre un mur de béton tant on le voit dans TOUS les films d'action merdiques). Si vous êtes fan de Deadshot (je juge pas, hein...), n'espérez rien : vous verrez Will Smith faire du Will Smith dans ce qu'il y a de pire. Et il arrive, belle prouesse, à faire passer le film d'ennuyeux à insupportable.


Ce qui m'amène - enfin - à la conclusion : vu à quel point Smith est présent et glorifié dans le film, je pense très sérieusement qu'il a foutu ses paluches dans la production et ça expliquerait l'étrange sensation que j'ai eu par moments. Le film a des spasmes, des espèces de flash avec quelques bonnes idées ou scènes intéressantes (on voit notamment Harley dans son costume d'origine, la séance de torture avec le joker...) comme autant de sursauts où émerge autre chose que le métrage consensuel, totalement calibré et boursouflé des clichés de personnages, de mise en scènes (les ralentis digne des resident evil. Les films. Pas les jeux) et de narration qu'Hollywood nous vomit à la gueule depuis des années. Je me trompe peut-être mais je pense qu'à la base "Suicide Squad" n'était pas supposé ressembler à ça et que Will Smith n'y est pas étranger. Il fallait une tête d'affiche (Jared Leto, c'était pas suffisant ? Un mec qui a gagné un oscar, c'est pas assez bankable ?) et ladite tête, bien enflée, a fini par l'envahir, cette affiche. Le film aurait peut-être pas été meilleur, ceci dit, avec des "si" on mettrait Gotham en bouteille. Et des bouses consensuelle comme ce "Suicide Squad" en salle avec une pseudo étiquette "irrévérencieux". Lorsque j'ai maté "Suicide Squad", j'éspérais un nanard marrant à la Batman forever, kitsh et over the top. Loupé.


Ceci dit, il a presque réussi à éveiller une pulsion de meurtre chez moi, comme quoi, y'avait un soupçon de méchanceté là-dedans.

SubaruKondo
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le 14 août 2016

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