SULLY (14,1) (Clint Eastwood, USA, 2016, 99min) :


Biopic assez classique relatant l’amerrissage d’urgence du vol intérieur 1549 US Airways dans la baie d’Hudson à New York, le 15 janvier 2009, piloté par le commandant Chesley Sullenberger, sauvant les 155 passagers de l’avion par cette manœuvre audacieuse. Depuis Mémoires de nos pères (2006) Clint Eastwood semble années après années être devenu un véritable recycleur d’histoire réelles ou de biopic de héros américain. En effet on ne compte plus le nombre de film de ce genre dans sa filmographie récente, notamment le sublime Lettres d’Iwo Jima (2007), le poignant L’échange (2008), le magnifique Invictus (2009) entre autres jusqu’au dernier un peu controversé American sniper en 2014. Le réalisateur revient nous conter à nouveau l’histoire d’un être devenu héros dans la grande tradition américaine par le biais de cet hommage au « miracle » de l’Hudson. La première séquence réussie nous entraîne dans la psyché de « Sully » de façon onirique en dévoilant aussi bien son « crash » que l’horrible attentat terroriste du 11 septembre 2001. Plusieurs autres plans viendront nous rappeler les conséquences post-traumatiques en plaçant régulièrement le commandant devant une fenêtre perdu dans ses pensées. La narration agrémentée de quelques flashbacks survolent la psychologie d’un personnage qui manque singulièrement de complexité. La mise en scène s’avère brillante dans la reconstitution de l’amerrissage, l’intervention rapide des sauveteurs par le biais de ferries et la mise en cause du pilote dans sa décision d’amerrir par la commission d’enquête mise en place après l’accident. Cette évocation du système permet les scènes les plus intéressantes sur les conséquences subies par cet « homme ordinaire » aduler par les médias au lendemain de l’exploit et presque mis au banc des accusés par une commission soupçonneuse se basant sur des calculs d’ordinateur ou autres simulateurs de vols (de manière répétitive) sans tenir compte du facteur humain pourtant primordial. Le scénario très bien ficelé avec des constructions d’allers et retours temporels tourne autour de cette audition, et ne profite malheureusement pas de ces occasions là pour complexifier davantage son « héros » apparaissant ainsi somme toute comme une personne assez banale, pour engendrer une histoire à l’ampleur extraordinaire. La mise en scène reste très académique dès les premières notes du générique comme pour un Woody Allen on se retrouve comme à la maison, mais la fulgurance et l’acuité acerbe deviennent plus conventionnelles. Quelques rares plans nous apportent le frisson que cette catastrophe sans victimes nous promettait de haut vol, malgré une reconstitution d’un réalisme assez impressionnant notamment lors des 208 secondes de drame aérien qui précède l’amerrissage (répétées trois fois dans le film). Une réalisation parfaitement exécutée mais en pilotage automatique de précision, ça manque sacrément de turbulences dans la carlingue Eastwood, qu’on ne s’y Trump pas, pour un homme qui déteste la « génération mauviette » ce très bon plat sauce américaine patriote sent quand même un peu le « réchauffée »…Et par décence je ne parlerai pas des images finales qui vont émouvoir dans les chaumières qui attendent que la chaussette de laine accrochée avec une pince à linge soit remplie d’une orange près du sapin de Noêl. Ce grand réalisateur maîtrise son art cinématographique, l’amour du travail bien fait, pas une minute du film ne manque de rigueur ni de justesse dans le placement d’une caméra, ce qui lui manque et que l’on avait retrouvé avec American sniper (notamment la fabuleuse scène de tempête de sable) c’est ce brin d’audace, ce côté plus retors qu’il n’y paraît manquant cruellement dans ce fait divers prétexte à établir une critique d’une Amérique sans repère qui ne sait pas traiter ses héros tout en étant encore traumatisée par la perte de son innocence effondrée en deux tours. Là où l’auteur s’en tire le mieux quand il dénonce la vénalité postmoderne par le biais de la firme US Airways faisant tout pour être rembourser des frais de la perte de son avion au lieu de louer le professionnalisme et le geste courageux du commandant Sullenberger (qui a une bonne étoile…), l’argent primant sur la vie. Une incrimination pas révolutionnaire, mais qui trouve écho grâce au canevas scénaristique parfaitement agencé et à l’interprétation magistrale et nuancé de Tom Hanks, homme de foi en la morale et justice des hommes, un rôle qui nous renvoie implicitement à ceux de James Stewart dans le cinéma de Capra comme bien entendu le célèbre Mr Smith au sénat (1939) et bien secondé par l’impeccable copilote Aaron Eckhart. Ce miracle de l’Hudson version Eastwood résonne comme une ode à la fibre patriotique d’une Amérique battante capable de l’impossible, d’acte d’héroïsme humain, d’efficacité et de solidarité triomphante (hommage appuyé aux sauveteurs) post 11 septembre 2001. Venez prendre ce vol sans risque avec Clint aux commandes de Sully. Du bon travail. Réussi, moral et plaisant.

seb2046
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le 29 nov. 2016

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