Tabou
7.4
Tabou

Film de Miguel Gomes (2012)

Mes critiques sont toujours un peu décalées,puisqu' à La Réunion, les films d'auteur sont une denrée rare, et qui arrive avec retard dans les salles; je suis sorti totalement emballé par ce film, avec le regret de ne pouvoir écrire qu'une esquisse, faute d'avoir pu le voir au moins deux fois. Je me contente de quelques propositions.
1 - Le film comme celui de Murnau est en deux parties. La deuxième est de loin la plus novatrice et esthétiquement aboutie. On réalise plus nettement que le film est moins en NB qu'en gris dont il explore toutes les nuances.Cest ce qui donne une sensualité à l'ensemble par delà la distance temporelle; la qualité du grain restitue la matérialité des choses: le fin brouillard soulevé au passage des graminées , le granuleux du reptile, la trame de la moustiquaire etc.
2 - la plongée explicative dans le passé se fait à travers ce filet de voix lusitanien, lente anamnèse du protagoniste vieilli. On est aux sources même de ce sentiment indéfinissable: la saudade, nostalgie diffuse des fados ou des mornas.Rarement une voix off n'a été aussi prenante; elle prend le pas sur les conversations vides des jeunes colons
3- Du coup ce n'est pas l'histoire qui est intéressante; les personnages sont les figurants d'un banal adultère dans une colonie cotonnière d'avant la Révolution des oeillets.C e qui compte c'est cette voix qui accompagne, et les motifs sonores naturels ou humains: les autochtones après l'accouchement, sources et fontaines et autres motifs qui reviennent et donnent cette musicalité au film
4 -Cette deuxième partie est magique: gomes parvient à faire coexister sur la même image la distance temporelle de ces images fanées d'une autre époque avec la sensualité très actuelle, épidermique de ce "paradis".
5 - Alors que je me trouvais dans un état second, le plan_séquence qui clotle film m'a achevé: travelling latéral très coulé, qui traverse les plantations, curseur lineaire du temps et des révolutions, et traversée symbolique d'un lieu horizontal et luxurieux d'où émerge la table de la Loi, le mont Tabou dans toute sa force archaïque.
6- Je n'aurai pas convaincu les réticents, g^énés par l'apparente lenteur du film.Mais depuis les expériences extr^mes des Straub-Huillet, pour ne citer qu'eux, il me semble qu'on peut se laisser hanter par le rythme de ces terres angolaises ou mozambiquaines qui voient la vie comme une très lente cérémonie.
Jean-pierreGay
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le 24 févr. 2013

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