Léthargie d'urgence

"Taj Mahal" laisse une impression étrange. Paradoxalement il est presque aussi abouti et subtile que fumeux et lourd.
Le malheureux hasard a placé la sortie de ce film dans un contexte très lourd. Les émotions sont encore vives en cette fin 2015, et ce n'est pas évident d'accueillir à chaud, le drame que raconte "Taj Mahal". Mais il est certain que cette tragédie a bien plus sa place au cinéma que sur les chaines d'infos.

"Taj Mahal" est divisé en trois parties:
- D'abord, l'introduction, qui présente les personnages et le contexte. Ces vingt premières minutes sont très maitrisées. Les rôles sont des archétypes, mais ne tombent jamais dans la caricature. Le jeu est plutôt juste, les dialogues sont efficaces et réalistes. Cette introduction est surtout réussie sur sa mise en scène qui nous plonge dans un voyage. La musique et la photographie, conjuguées à la mou séduisante de Stacy Martin, transportent dans une ambiance dépaysante. Mais les prémices de la catastrophe se font sentir. Quelques manques d'inspiration sur les "moments de vies" qui finissent par être des scènes gratuites sans enjeu ni intérêt. Parmi ces instants vides, des éléments qui préparent la suite sont pointés de façon très lourde. Poignée de fenêtre, jours supplémentaires à l'hôtel, insistance pour rester à l'hôtel regarder un DVD...c'est un surenchère de pions placés pour appuyer la fatalité et le coup du destin. Le film perd alors tout de sa subtilité.
- Puis, l'attaque, qui place le film dans un huit-clos. Le parti-pris de se focaliser sur un personnage, et ses proches, sans montrer le visage de la barbarie pour retranscrire la violence d'une attaque terroriste vécue de l'intérieur est probablement le meilleur choix. Le problème c'est que plutôt que de s'installer sur un rythme d'urgence, cette deuxième partie devient étrangement léthargique. C'est une longue suite d'échanges téléphoniques qu sonnent tous incroyablement faux. L'interprétation est toujours complètement décalée. Jamais de véritable panique, chez aucun des personnages, juste une mollesse improbable. La mise en scène finit aussi par pêcher. Les incohérences s'enchainent tout autant que les effets de manche. Ça s'enflamme mal, dirons nous. L'angoisse est inévitable, mais elle vient facilement, dommage d'en rajouter en appuyant la tension, proche de mauvais "jump-scare" de films d'horreurs.
- Enfin, un épilogue, qui enfonce encore plus dans le pathos ce récit naturellement poignant. Seul les dernières secondes reprennent le charme entrainant de l'intro.