Le ciel nous tombe sur la tête
On a la fâcheuse tendance à vouloir associer Jeff Nichols et son Take Shelter à autre chose. Beaucoup le pose en descendant de Malick, et si l'inspiration naturaliste est évidente, Take Shelter diverge en beaucoup de point aux films de Malick. La poésie se dégage à la fois de la nature mais aussi de l'onirisme que l'on retrouve moins chez Malick. Pourtant dans Take Shelter, c'est ces visions cauchemardesques qui construisent toute l'intrigue du film. Jeff Nichols sait donc s'approprier les paysages qui lui sont offerts, mais a aussi une façon très personnelle de construire son récit. Enfin pour beaucoup Take Shelter s'inscrit dans cette lignée de films apocalyptiques sur fond de fin du monde. C'est en partie vrai puisque les rêves de Shannon le hantent et le pousse à croire que la fin du monde est proche, mais ce processus cache en réalité un travail psychologique plus fin. Take Shelter ne place pas un homme face aux signes de fin du monde, il le place face à sa propre folie, qu'il distingue de moins en moins, et face à la société. La drame qui se joue dans le film est celui d'un homme qui paraît fou de l'extérieur, mais que personne ne va chercher à aider ou comprendre, si ce n'est sa femme qui finira par jouer son jeu pour tenter de l'extirper de l'isolement psychologique dans lequel il se piège lui-même. La construction du film fait sa propre force, épaulée par le jeu halluciné de Michael Shannon, tout en tension, face à une Jessica Chastain qui se fissure peu à peu de façon admirable. Nichols orchestre ce lent cauchemar qui s'achève sur une énième vision apocalyptique.