Jeff Nichols signe ici une œuvre hybride, dont la catastrophe naturelle ne demeure qu’une toile de fond. La manœuvre est habile, plutôt rare, et particulièrement réussie. Take Shelter emprunte de nombreux éléments aux films de catastrophe, et le spectateur ne manquera pas d’occasions pour sursauter dans son siège. Le réalisateur ne joue pas sur la carte de la panique, multipliant les images d’une population affolée courant dans tous les sens. Le danger ne se trouve que dans la tête d’un seul homme, Curtis (Michael Shannon), dont la santé mentale va décroissante. Jeff Nichols décortique à souhait le calme avant la tempête. Ainsi aborde-t-il en biais le thème de la folie et de ses limites : où commence-t-elle ?
La menace climatique reste omniprésente, et les sons participent au malaise constant dont le spectateur ne parvient pas tout à fait à se défaire : le vent souffle perpétuellement quelque part, et le tonnerre gronde fréquemment. La météo, particulièrement instable, se joue de nos nerfs. A cela se rajoute des images à l’esthétisme singulièrement soigné, brouillant allégrement les rêves au quotidien des personnages. Pas de doute, Jeff Nichols ne se prive pas de nous en mettre plein la vue tout en maintenant un rythme pesant plutôt qu’affolé.Mais, le plus grand régal reste dans le jeu des acteurs. Michael Shannon nous offre une prestation au mieux de son art, trouvant le parfait équilibre entre vulnérabilité, psychose latente, et force contenue. Sa robustesse semble s’effriter petit à petit, et il nous émeut autant qu’il nous effraie. A ces côtés, parvient même à glisser au sein de la famille une présence physique pesante, celle du bunker dont s’occupe compulsivement Curtis LaForche. Faut-il y voir la métaphore d’une société américaine en proie à la crise économique, véritable épée de Damoclès ? Mais ce bunker n’est pas aussi sans évoquer de nombreux autres, biens réels, où s’entassent les conserves en prévision d’une fin du monde. Là encore, réalité ou psychose ? Take Shelter fait son choix, à nous de faire le notre.
Farh
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le 18 oct. 2013

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Farh

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