Être désespéré, mais avec élégance ...

Des routes mornes sous des cieux gris, des bagnoles qui tombent en rade, et des beaufs qui pique-niquent sur le bas-côté : voilà le paysage quotidien qu’affrontent Michel Mortez et son acolyte, deux routiers de la radio. L’un est une vedette déclinante qui se raccroche à son reste de notoriété, l’autre est un homme à tout faire au cœur tendre. Tandem, c’est l’histoire de ces voyageurs anachroniques en fin de course, qui sillonnent des routes minables, de salle des fêtes en bal communal.

Jean Rochefort est estomaquant ! Misanthrope, cynique, profondément bipolaire, il livre une figure désespérée qui passe d’un extrême à l’autre au détour de quelques mots. Avec sa veste à carreaux et son col de fourrure, c’est un homme d’autrefois perdu dans un monde qui ne le connaît plus : une France d’une bêtise crasse, en survêt’ et baskets, qui bouffe des chips sur le bord de la route. On n’a jamais vu un désespéré aussi élégant que lorsque Jean Rochefort est aux commandes.

Gérard Jugnot est bon, étonnamment bon, même : privé de sa moustache et de sa calvitie précoce, il fait oublier son image de français moyen, et livre une performance sobre mais convaincante. Quelques excellents personnages secondaires complètent le tableau (Jean-Pierre Dreyfus en insupportable notable de village !), et la photographie sombre et froide donne une ambiance puissante à ce beau film.

A la réalisation, Patrice Leconte s’en sort plutôt bien, avec quelques scènes magnifiques. On regrettera juste qu’il se prenne pour un grand réal’ et truffe son film de mauvais symbolisme à tout bout de champ : le chien rouge aux yeux jaunes, l’homme au vélo sur le pont, le blessé de guerre homosexuel, l’horloge parlante ... toutes ces métaphores mal ficelées brisent souvent le rythme et l’émotion. N’est pas Bertrand Blier qui veut, Patrice Leconte aurait gagné à faire plus sobre, plus clair.

Un film humain et torturé. Et dire que c’est Richard Bohringer qui a raflé le César de l’acteur cette année-là ...
Wakapou
8
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le 2 juil. 2013

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Wakapou

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