sept 2009:

Très joli road-movie, noir et drôle à la fois. Il y a de la comédie italienne là-dedans... du fanfaron.

Le film accompagne deux êtres dépendants l'un de l'autre et de leur travail. Ils font la route pour oublier le vide de leurs petites existences. Ne jamais s'arrêter, surtout pas. Et si Jugnot livre une bonne interprétation, sans moustache ni trompette d'ailleurs mais avec une moumoute pour faire oublier l'image de franchouillard moyen qui lui collait au derme depuis un certain nombre d'années, splendides, c'est bien entendu dans l'étendue du talent de Jean Rochefort que se situe l'attrait principal du film. La très large gamme d'émotions que le bougre d'animal parvient à étaler devant nos yeux ébaubis et pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment les acteurs démontre à qui ne lui reconnaitrait pas ces capacités hors du commun qu'il est d'une justesse sans faille, avec la sensibilité mêlée de malice qui touche au but, avec la fantaisie et un physique à nuls autres pareils qui lui permettent des éclats magnifiques alors que chez d'autres ils paraitraient du plus grotesque ridicule. Acteur sur le fil du rasoir, Rochefort trouve là un rôle à sa démesure, tout en nuances déroutantes, extraverti enfouissant au plus profond ses troubles et lourdes angoisses, tari d'amour, désespéré, glauque, comme figé dans le temps qui passe pourtant, inexorable, et dans une solitude à peine apaisée par la présence de son Sancho Panza. Je parierais que Terry Gilliam a vu ce film de Leconte. Rochefort vitupère, bouleverse, explose et subit. C'est une performance admirable.

Leconte a sû ici avec courage s'effacer pour donner volontairement une image assez terne à sa mise en scène, sans tapage, très sobre mais néanmoins assez fine et qui surtout colle à la perfection à l'histoire dépressive. La photographie de Denis Lenoir est volontiers sombre, dans les verts-de-gris. Les paysages déserts, humides et froids évoquent le nez qui goutte et les paupières qui tombent de fatigue, pour des personnages tristes qui ne veulent pas se l'avouer sous peine d'en mourir.

Très joli film qui réussit à mêler mélancolie et sourires. En dépit d'un sujet proche du grand gouffre "Pathos", le film ne tombe jamais grâce entre autres à la furieuse créativité et l'exubérance jouissive de Jean Rochefort et un scénario noir, aigre, mais toujours avec un clin d'oeil rieur, une maligne propension à se moquer avec affection des situations dans lesquelles la ringardise des personnages atteint quelques sommets hors-catégorie. A ce sujet, quelques points communs avec "Les grands ducs" se font jour.
Alligator
8
Écrit par

Créée

le 23 mars 2013

Critique lue 1.6K fois

25 j'aime

2 commentaires

Alligator

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

25
2

D'autres avis sur Tandem

Tandem
Plume231
7

Sur la route !!!

Jean Rochefort était un géant. Le verbe de Molière avec l'élégance du gentleman farmer, un humour pince-sans-rire qui m'aura souvent fait écrouler de rire, mais qui aussi dans le registre dramatique...

le 16 oct. 2017

31 j'aime

Tandem
Alligator
8

Critique de Tandem par Alligator

sept 2009: Très joli road-movie, noir et drôle à la fois. Il y a de la comédie italienne là-dedans... du fanfaron. Le film accompagne deux êtres dépendants l'un de l'autre et de leur travail. Ils...

le 23 mars 2013

25 j'aime

2

Tandem
Val_Cancun
8

Radiostars

Après une grosse poignée de comédies à succès et un film d'aventures pas beaucoup plus sérieux ("Les spécialistes"), Patrice Leconte s'offre ici une première incursion dans le drame, même si son...

le 24 mars 2018

10 j'aime

4

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime