Drame psychologique ambiancé par Scorsese avec De Niro, J Foster = chef d'oeuvre. Un classique !

Après un coup d’essai international (« Mean streets ») et la reconnaissance de ses paires (‘pères’) l’année suivante (« Alice n’est plus ici » fait partie de la sélection cannoise de 1975 et Ellen Burstyn de recevoir l’Oscar de la meilleure actrice pour le rôle d’Alice), « Taxi driver » marque pour le metteur en scène Martin Scorsese un tournant dans sa carrière. Palmé à seulement 34 ans, le réalisateur de « Bertha Boxcar » rentre dans la cour des grands. En 1976. Et Scorsese de m’en mettre plein la vue. Une belle claque visuelle pour commencer 2018. Synopsis : Travis, ancien marine rentrant du Vietnam, peine à se réinsérer dans la société. Il trouve un job de nuit, chauffeur de taxi. Mais la violence à laquelle il est confronté lui fait perdre la raison. Le scénario est béton et est maniée de main de maître. Logique, car il est tiré de la vie personnelle de Paul Schrader qui en est l’auteur. Auteur de cette virée en enfer dans un New York plus sombre que jamais. Les rues de « Mean streets » étaient déjà malfamées, dans « Taxi driver », elles empestent. C’est dire comment le scénario est brigué et permet de nous immerger totalement dans l’ambiance que Schrader nous décrit et les sentiments qu’il nous fait passer via sa plume légère mais néanmoins stylisée. Pour son deuxième script, le futur réalisateur de « La féline » nous prouve qu’il est un artisan à part entière : scénariste sur « Obsession », « American gigolo » puis occupant les deux postes (scénariste/metteur en scène) pour « Blue collar » (avec Richard Pryor), le thriller « Les amants éternels »… . De ces rues dépravées, de cette atmosphère complètement délétère et nocive, Paul nous envoie le signal que Travis est pris dans l’engrenage de la folie dès le début. Il nous fait traverser en même temps que le personnage principal cette jungle new yorkaise qui s’apparente à une autre forme de guerre, celle de son inconscience. Le rapport qu’a Travis face à cette ville est gâché à jamais. Rien que dans l’idée du scénario de « Taxi driver », Scorsese est arrivé à dépeindre le rapport de l’individu face au monde. Ce thème scorsesien, qui trouve ici son point d’orgue, est récurrent dans son œuvre : « A tombeau ouvert » pour autant que je m’en souvienne, et puis surtout « Les affranchis » et « Casino ». Ici, dans « Taxi driver », Travis devient cet être psychotique qui tourne à l’obsession. L’autodestruction du personnage est fatale et immuable (la scène finale en est d’autant cauchemardesque, pour ainsi dire). Autre point de l’ambiance de « Taxi driver » : la musique so jazzy. Elle colle merveilleusement à cette atmosphère totalement imprévisible et pourtant monotone. Limpide, jamais énervante, pas tout à fait mirobolante, elle nous accable et nous accroche à notre siège pour mieux suivre la descente aux enfers de Travis. Le compositeur ? Bernard Herrmann. Rien que ça. Qui l’eut cru ? Personne, bien évidemment. La musique, donc, au diapason, colle à merveille avec l’infamie new yorkaise décrite avec toute la médiocrité méticuleuse de Martin Scorsese. Troisième point pour parler de l’ambiance du film ? La photographie. En effet, « Taxi driver », de par ces qualités esthétiques est un film d’ambiance. Clairement. Donc, pour parler photographie, comment ne pas parler de ces couleurs pourrissantes, vétustes et totalement salies par le froid glacial new yorkais ? Voilà, la chose est faite. Surtout que, de nuit, la saleté est plus apparente que de jour. N’est-ce pas ? Le directeur photo, qui orchestre et magnifie New York en un ‘Bronx’ incroyable (!), n’est autre que Michael Chapman qui servira Marty pour les besoins de « Raging bull ». Merci Michael. Du point de vue direction d’acteurs, c’est tout simplement sublimissible. Ce n’est plus une leçon de cinéma à la Scorsese. On reste juste bouche bée devant tant de talent. Scorsese, vous démontrez ici toute l’envergure de votre cinéma. Merci ! Dans la peau de Travis : Robert De Niro. Il ne l’incarne pas, il l’est (ce chauffeur de taxi rendu dingue par les tourments de son métier). C’est tout. Il n’y a rien à dire de plus. Ah si. Qu’il s’agit de LA méthode concernant l’apprivoisement du personnage par l’acteur. Méthode enseignée par Lee Strasberg à l’Actor’s studio et qui eut comme élèves Marlon Brando, Paul Newman, Dustin Hoffman et Al Pacino parmi d’autres (!!). Pour « Taxi driver », Robert De Niro remplace donc au pied-levé Harvey Keitel qui était au départ l’alter-ego de Scorsese devant la caméra. Le film marque clairement cette transition et impose le tandem ciné Scorsese/De Niro comme l’un des plus prometteurs de cette nouvelle génération. Super ! Entre-temps, De Niro a reçu des mains de l’académie américaine l’Oscar du meilleur second rôle dans « Le parrain, 2ème partie ». De plus, De Niro livre ici une composition magistrale et époustouflante. Une immense star est née !!! Aux côtés de Robert le driver, Jodie Foster, dans le rôle d’Iris. Charismatique, elle impose sa présence face à l’immense De Niro. 14 ans (!) et déjà une puissance d’interprétation fragile qui force le respect. Tous mes chapeaux !, Mademoiselle Foster. Scorsese lance ainsi véritablement sa carrière. Il lui avait donné un petit rôle dans « Alice n’est plus ici ». « Money monster », le dernier film de Jodie en tant que réalisatrice, a été sélectionné hors-compétition par l’édition 2016 du Festival de Cannes. Bingo Madame Foster. Avec également Harvey Keitel dans un mini-rôle, collaborant avec le réalisateur pour la quatrième fois, et Martin Scorsese qui livre une scène démentielle et ensorcelante, pour une courte apparition néanmoins très appréciable. A vous de le retrouver amis spectateurs ! Nous pouvons également noter la présence d’Albert Brooks (ainsi lancé par Scorsese, il tournera pour Winding Refn dans « Drive » pour incarner le méchant), du regretté Peter Boyle (« F.I.S.T. », « Outland », « A l’ombre de la haine ») et de Cybill Sheperd (engagée par Bogdanovich dans « La dernière séance » pour un premier rôle, elle jouera par la suite aux côtés d’un certain Bruce Willis dans la série « Clair de lune »). Concernant le casting, improvisation est donc le maître mot du réalisateur. Méga-cool Marty ! Quoi de neuf au niveau mise en scène ? Pas grand-chose si ce n’est un apport considérable de la part du réalisateur de tourner à hauteur d’homme, et plus particulièrement des visages pour ancrer à sa manière New York dans tous les esprits. Un film donc lent mais qui s’appuie sur la technicité de ces opérateurs (photographique, musical et scénaristique). Ainsi, le plus authentiquement possible, Scorsese imprègne et pousse sa culture du cinéma à faire de « Taxi driver » le film-fleuve d’une époque. L’écriture filmique qu’il en ressort nous permet de comprendre la voix-off de De Niro nous immergeant toujours un peu plus dans la décadence new yorkaise et sa folie autodestructrice. Nous sommes ainsi en présence d’une narration scorsesienne construite, qui est mise en avant et qui présente le point d’orgue de la mise en scène du gamin de Little Italy. Pas étonnant qu’une scène culte avec De Niro (« you’re talkin to me ? ») sorte du lot. De plus, le rouge est encore prépondérant dans sa pellicule. Le générique de début (rouge), tout comme le final présente un metteur en scène d’un genre nouveau. Quoi de neuf donc ? Une innovation. Et pas n’importe laquelle. Ce qui préfigurait dans « Mean streets » est ici porté à son apogée. Travellings, gros plans, champs, contre-champs, plongées sont d’autant plus spectaculaires que le film avance. La violence scorsesienne a atteint son apogée. « Taxi driver » est filmé à hauteur humaine mais de manière totalement viscérale et bestiale. Un antagonisme qui conforte Scorsese comme un metteur en scène moderne. Pourquoi je n’ai pas totalement accroché au cinquième long-métrage du réalisateur ? J’ai trouvé son accroche filmique trop terre-à-terre et son rythme un peu lent. De fait, je n’ai pas convenablement reçu son écriture filmique qui m’a paru languissante. En revanche, votre narration orchestrée par Saul Bass sur « Les affranchis » m’a totalement envoûté dès que la voix française de Ray Liotta nous explique qu’il a toujours voulu être gangster. Incroyable, non ? Pourtant, c’est bien « Taxi driver » qui a fait que « Les affranchis » puisse exister. Pour conclure ma critique élogieuse qui n’en finit pas, « Taxi driver », qui sorti en 1976 en France et aux Etats-Unis pour un budget de tournage dérisoire, drame psychologique insoutenable porté par un De Niro exceptionnel est un classique instantané du cinéma. Maître Scorsese signe son premier chef d’œuvre. Spectateurs, dingues pour un jour, De Niro pour toujours ! Accord parental souhaitable. PS : il s’agit de la dernière composition de Bernard Herrmann pour le cinéma : « Taxi driver » lui est dédié. Parmi ses compositions les plus marquantes, on peut relever « Citizen kane » », « Le jour où la terre s’arrêta » de Robert Wise, « L’homme qui en savait trop », « Sueurs froides », « Le septième voyage de Sinbad », « Psychose », « Les nerfs à vif » de Jack Lee Thompson et « Fahrenheit 451 » parmi tant d’autres. Un Grand qui a ainsi inspiré des plus jeunes : John Williams et Danny Elfman en tête. Merci maître Herrmann !

brunodinah
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le 3 juil. 2019

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