Le héros est un asocial, Travis, que l'on est censé trouver relativement charmant au début du film mais que j'ai immédiatement trouvé profondément antipathique . En cinq minutes à peine il nous crache au visage son racisme et sa haine viscérale des femmes. C'est évident que c'est une bombe à retardement. On sait tout de suite à qui on a affaire : à un proto-Incel.


Sa relation avortée avec Betsy qui va déclencher sa "dégringolade vers la folie" n'a absolument rien de crédible. Elle accepte beaucoup trop facilement le rencard proposé par ce gros forceur qui ne cache pas le moins du monde à quel point il est relou et menaçant. La premier rendez-vous se passe dans un café où Travis déploie des techniques de manipulation dignes d'un pervers narcissique débutant. Il fait du negging, souffle le chaud et surtout le froid, descend le collègue de Betsy sans raison valable, comme par jalousie maladive. Et ce personnage, Betsy, qui montre plusieurs fois pendant le rendez-vous qu'elle est sur la défensive, en accepterait un second? Vraiment?


Travis est détestable, Betsy est idiote. En fait c'est malaise TV en permanence, que ce soit quand Travis est seul, ou avec Betsy, ou avec ses collègues, ou quand il a Scorsese sur la banquette arrière. Tous les dialogues sont trop longs, plats et malaisants.


La boucle de saxophone est répétée en permanence au point d'en devenir ridicule, elle insinue une espèce de glamour complètement décalé par rapport à l'ennui de l'action et à la saleté de l'environnement. Couplée avec les dizaines et les dizaines de plans banals de conduite en taxi, elle donne l'impression que l'on est en train de regarder une telenovela hyper prétentieuse.


Tout cela, à la limite, je crois que j'aurais pu l'accepter si Travis avait réussi à aller au bout de son projet d'attentat dans le meeting politique du candidat Palantine. Il est clairement à un CHEVEU de passer à l'acte. Cela aurait parachevé le film à mes yeux comme illustration du processus de radicalisation façon "Incel" des jeunes paumés (sujet ô combien contemporain). Ca n'en aurait pas fait un bon film, mais au moins un film cohérent.


Sauf que non. Travis part dans une espèce de sidequest hors sujet où il se rêve en libérateur d'une mineure prostituée. La fin du film (post fusillade) n'a aucun sens et tombe comme un cheveu sur la soupe. On passe brutalement d'un Travis mourant, meurtrier, à un Travis chevelu et en pleine forme qui a repris sa petite vie et que tout le monde a érigé en héros.
Je ne peux pas croire qu'après avoir tué avec préméditation et aussi violemment trois personnes, même si ce sont des proxénètes, sous les yeux d'une fillette, il ne soit pas inquiété du tout par la justice. D'autant plus qu'il avait été repéré le jour même par les services secrets et pris la main dans le sac d'une tentative d'assassinat.

Comme beaucoup j'ai pensé à un délire comateux, mais apparemment non, la fin est à prendre au sens littéral. Très bien. A mon avis si le réalisateur doit expliquer lui-même a posteriori que non, la fin n'est pas un délire comateux, alors c'est qu'il y a un problème.


C'est trop facile de dire après coup "c'est une critique de la société et des conséquences de la guerre du Vietnam". Au cinéma il ne me semble pas que ce soit simplement l'intention qui compte, il faut que la réalisation suive, et à mon sens dans le cas de Taxi Driver la réalisation dessert complètement le propos au point qu'elle lui donne un côté nanardesque.
Des films US qui critiquent la société et rebondissent sur la guerre du Vietnam, à mon humble avis il y en a plein d'autres, des beaucoup mieux.

Samish
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le 4 avr. 2021

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Samish

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