TAXI TÉHÉRAN (Jafar Panahi, IRAN, 2015, 87min) :


« Je suis un cinéaste. Je ne peux rien faire d’autre que réaliser des films. Le cinéma est ma manière de m’exprimer et ce qui donne un sens à ma vie. Rien ne peut m’empêcher de faire des films, et lorsque je me retrouve acculé, malgré toutes les contraintes la nécessité de créer devient encore plus pressante. Le cinéma comme art est ce qui m’importe le plus. C’est pourquoi je dois continuer à filmer quelles que soient les circonstances, pour respecter ce en quoi je crois et me sentir vivant.» déclare avec force Jafar Panahi.


Taxi Téhéran, se révèle un courageux projet filmique qui illustre parfaitement cette déclaration de foi initiale, à travers ce nouvel acte de désobéissance d’un réalisateur interdit de filmer et assigné à résidence dans son pays. Un portrait documentaire et fictionnel de la société iranienne brave et moderne, malgré le joug islamique, ainsi que la propre situation personnelle de ce cinéaste « maudit » par la Haute Instance du cinéma, considérant les films de Jafar Panahi comme non diffusables…


Ce véritable long métrage clandestin révèle une fois de plus toute l’intelligence de la mise en scène de Jafar Panahi. Le réalisateur qui contourne les interdictions pour poursuivre son œuvre de cinématographe se glisse dans la peau d’un chauffeur de taxi, et installe un dispositif astucieux au cœur de l’habitacle de l’automobile. En plein cœur des rues mouvementées de la capitale de l’Iran, le réalisateur profite de ses escapades pour décliner avec un sens du burlesque, du cynisme et parfois une certaine gravité, tous les maux de la population de Téhéran. À l’aide de multiples situations captées avec par le quadrillage du cadre et croquées par de petites « caméras DV- Stylo », le cinéaste dresse un portrait des téhéranais.es et l’évolution de sa civilisation. Par le bais de ces séquences aux tons divers mais bien d’aujourd’hui, il livre également un formidable hommage au pouvoir du cinéma qui saisit le réel dans ce qu’il y a de plus sensible, quel que soit le prix ou l’illusion.


Un long métrage qui démarre sur les chapeaux de roue avec pas mal de clins d’œil cinématographiques à sa propre cinématographie ou vers ses compatriotes (notamment Les poissons rouges d’Abbas Kiarostami), et des saynètes aux allures pittoresques. À mi-parcours, le rythme rétrograde un peu pour devenir plus grave, ce qui n’est en rien dommageable pour se délecter de toute la sève exsudée du cerveau de l’auteur. La puissance de cette œuvre saisissante trouve toute sa force emblématique lors de deux plans signifiants, à l’ouverture et au terme de ces déplacements, et mérite un respect profond dans la lutte constante pour la liberté d’expression de cet artiste majeur, compteur de la résistance…


Une œuvre singulière, brillante, politique et humaniste. Que demander de plus, si ce n’est la direction vers ce Taxi Téhéran, pour devenir à votre tour un passager légal et solidaire de cette ode au 7e art et à toutes les évasions !

seb2046
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le 10 mars 2021

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