"Got his dick caught in a vacuum cleaner."

Cette simple quote suffit à résumer l'état d'esprit un film conçu à l'arrache mais qui, dans sa démarche, m'a séduite depuis le premier visionnage. J'devais avoir 14 ans quand ce DVD a échoué parmi les autres de ma DVDthèque. Et malgré sa qualité largement discutable (oui c'est un navet hein, on est bien d'accord), ce film présentait un avantage indiscutable, sur lequel j'aurais pas lâché l'affaire d'un iota : j'ai nommé monsieur Michael J. Fox. Parce que comme d'habitude je ne fais jamais rien comme tout le monde, je n'ai jamais apprécié plus que cela la trilogie des Retour vers le futur, dont le premier volet est sorti en 1985, la même année que Teen Wolf. Adolescente, je mouillais davantage ma culotte sur Scott Howard (sans les poils hein), que sur Marty McFly. Parce que Scott, c'était l'image du type lambda, lycéen qui essayait de s'en sortir dans un "trou à rats", incapable de matérialiser des ambitions bordéliques dans sa tronche de p'tit gars d'1m63 cherchant sa place de meneur de l'équipe de basket-ball, convoitant des nanas qu'il aurait été de toute manière incapable d'avoir à cause de son physique d'avorton et tissant une relation privilégiée avec un paternel drôle, compréhensif et affectueux. C'est drôle parce qu'à l'époque, moi aussi j'étais l'image de la gamine, sinon lambda, du moins paumée dans son propre trou à rats de campagne, encore incapable de matérialiser mes ambitions bordéliques, avec ma silhouette au contraire trop vite grandie pour mon âge, cherchant ma place de pivot dans l'équipe de basket, convoitant des garçons que j'aurais été incapable d'avoir et tissant une relation privilégiée avec un paternel drôle, compréhensif et affectueux (la vache, deux critiques d'affilée que je raconte ma vie au passage, j'me pose des questions là).


BREF. Vous comprenez donc que le pouvoir d'identification est intense, en plus du fait que je fantasmais intensément sur un acteur dont la vie flinguée par Parkinson me fout les boules chaque fois que j'y pense. Michael J. Fox, dans ce film, c'était le gars gentil par excellence, un peu con des fois, incapable de comprendre la puissance de sa fragilité et d'un pouvoir de séduction démentiel. Au-delà des effets visuels moisis, des costumes à gerber et d'un casting profondément inégal (mention spéciale néanmoins à l'incroyable Jerry Levine que j'aurais adoré avoir comme meilleur pote IRL), ce film n'est pas si différent de milliers d'autres teen movies et histoires développées dans les séries américaines depuis quarante ans : avec l'établissement scolaire dans une ville de merde paumée, le monde qui tourne autour de l'équipe de basket, les profs relous, le vice-proviseur casse-couilles, les histoires de cul et d'amour qui tournent à la Amour, gloire et beauté, et j'en passe.


Cependant, Teen Wolf parvient à se distinguer de par la prestation d'un Michael J. Fox abattu mais touchant, par une bande-son typiquement années 80 avec, je trouve, d'excellents titres que j'écoute toujours aujourd'hui (Silhouette, Flesh on Fire, Big Bad Wolf), par une atmosphère à mille lieues de celle de 2020, et par un travail sur le son que je trouve particulièrement intéressant. La scène d'ouverture, débutant par un générique tremblotant en blanc sur fond noir, distille les échos très particuliers du rebond d'un ballon de basket ainsi que les encouragements d'un public disparate et le score annoncé d'un arbitre dans le lointain. Un son volontairement très déformé, qu'il est incapable de reconnaître, du moins jusqu'à l'accélération des rebonds (un son particulièrement évocateur pour moi), évoquant des battements de cœur de plus en plus précipités, l'apparition du gymnase flouté avec la lune se dessinant en transparence, annonce implicite de la pleine lune à venir et des prochaines transformations, pour se terminer par un Scott Howard trempé de sueur, épuisé et cherchant l'air, ses inspirations et expirations elles aussi déformées par l'écho. Ces premières images, les ralentis esthétisés et les chocs du ballon sur le sol lisse et foulé par les joueurs, démontrent une certaine démarche de réalisation, même pour un film aussi médiocre, et je ne suis pas insensible à cela.
Rien que le fait que la série Teen Wolf (que je n'ai pas encore visionnée) soit inspirée de ce long-métrage, je trouve ça assez incroyable, et c'est à mon sens une preuve que le cadre et les quelques personnages se démarquant n'ont pas laissé complètement indifférent, loin de là.


C'est une madeleine de Proust que j'assume bien volontiers comme l'un des trésors de ma DVDthèque d'aujourd'hui, un feel-good movie confidentiel que je suis capable de m'enfiler au fond de mon canap' avec le traditionnel pot de glace, et je suis heureuse que ce genre de films existe.

Créée

le 2 mai 2020

Critique lue 149 fois

Seren_Jager

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