Un garou qui manque un peu de mordant

Scott Howard, comme bon nombre d’adolescents de sa génération, doit affronter de multiples problèmes. Que cela soit au lycée, dans sa vie affective, ou dans ses rapports avec un père trop paternaliste, il a réellement du mal à assumer ses conflits internes et ses déboires relationnels. Donc, il est inutile de vous préciser l’ampleur de son désespoir lorsqu’il découvre qu’il est en train de se transformer progressivement en… loup-garou !!
1985. Le cœur des années 80. Une décennie qui a vu son univers cinématographe dominé par la nouvelle vague des films fantastiques dits ‘’modernes’’ (beaucoup de films de loups-garous d’ailleurs, de Hurlements à High Full Moon, en passant par le Loup-garou de Londres, Wolfen ou La Compagnie des Loups…) et la comédie adolescente (avec la très satisfaisante filmographie d’un John Hughes qui n’avait pas encore croisé la route d’un certains Macauley Culkin). Ces deux filons, considérés à juste titre comme très juteux auprès d’une audience de plus en plus jeune, vont finir, en cette année charnière, par se réunir pour donner naissance à Teen Wolf, une comédie bien déjantée qui reprend de manière humoristique le classique film d’horreur I Was a Teenage Werewolf (1957) de Gene Fowler Jr.


Tous les principaux éléments communs à ces deux genres, hormis l’horreur, sont en effet bien présents. Du coté purement fantastique, on a droit bien sûr aux fameuses transformations (orchestrées ici par un jeune Thomas R. Burman) même si ces dernières tirent plus vers la farce que vers l’effroi. Mais c’est surtout les ingrédients typiques de la comédie ado qui sont les plus voyants : héros sympa et timide, pote exubérant et farceur, grosse brute rivale, humour potache, quêtes initiatiques (recherche de bière, premiers baisers, bal de promo…) et musique à la mode. Le véritable produit formaté ‘’teenager’’.
Bien entendu, le réalisateur Ron Daniel, vieux briscard des séries télé, n’omet pas d’introduire dans son film, en prenant comme alibi la simple ‘’déconnade’’ adolescente, une morale une peu balourde mais bien sympathique. Aussi, Teen Woolf traite, comme tous les autres films ado de son époque, de la difficulté qu’éprouvent les jeunes gens pour affirmer leur virilité et leur sexualité au sein d’une communauté de plus en plus compétitive. Rien de révolutionnaire en soi, d’autant plus qu’un réalisateur comme John Hughes l’a fait avec bien plus de talent (avec de petits bijoux comme Breakfast Club ou Une Créature de Rêve). Mais il va aussi bien au-delà de cet aspect par son coté ironique lorsqu’il aborde le délicat sujet de l’intégration raciale. Et c’est en cela que Teen Wolf est une œuvre intéressante. Le choix du basket-ball est notamment bien judicieux ; star d’une équipe de nases composée essentiellement de joueurs blancs, qu’est-ce que le loup-garou sinon le black de service ? Il n’y a qu’à constater avec qu’elle aisance ‘’Scott-Wof’’ parvient à faire oublier sa ‘’couleur’’ à son entourage après les victoires pour saisir que Rod Daniel règle à cette occasion quelques comptes avec le racisme.


1985 est également l’année de Michael J. Fox, cet acteur très attachant atteint aujourd’hui d’une terrible maladie (des rumeurs rassurantes circulent cependant à son sujet, et sembleraient confirmées par sa participation régulière à la série Boston Legal). Cette année là, en plus d’un Teen Wolf qui cartonne radicalement au box-office américain, l’acteur connait la reconnaissance planétaire avec le génialissime Retour vers le Futur dans lequel ce jeune homme de 24 ans interprète à nouveau un adolescent débrouillard. Avec sa bouille sympa, sa tonicité et son regard malicieux, Michael J. Fox devient alors le pote, le petit ami ou le fils idéal. Une image qui ne le quittera plus et qui fait de ce comédien l’une des personnalités les plus appréciés d’Hollywood.
Alors pourquoi Teen Wolf n’atteint pas les sommets délirants d’un Ferris Bueller ou d’un Risky Business ? La réponse vient essentiellement de sa réalisation, avec son rythme régulièrement plombé par des matchs de basket interminables et répétitifs, et par un manque total de fantaisie dans son traitement. En effet, tout est terriblement conventionnel, pas assez coquin, et l’ensemble manque sérieusement de personnalité. Il est indéniable que placé dans d’autres mains, ce film aurait été autrement plus acide. Là, pour le coup, il est parfois ennuyant. C’est bien dommage.

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le 22 juil. 2020

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Blockhead

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