The artist est un pari ambitieux. Ambitieux mais pas totalement réussi. On peut saluer la performance du compositeur, sans qui le film manquerait cruellement de relief. En effet dans le muet, la musique est à la fois le texte et le vecteur des sentiments véhiculés. Malgré cela, je dirais que le film reste un peu plat et manque globalement de rythme.
Quand on pense « muet », on pense souvent à Chaplin. Sans vouloir comparer, ce qui serait absolument vain, « The artist » n'a pas le charme qu'on aime habituellement prêter au genre.

Les acteurs sont bons, oui. Très bons, éventuellement. Mais exceptionnels, certainement pas. Le film n'est pas long mais il l'est suffisamment pour noter le côté un peu répétitif des mimiques et des grimaces, qui pourraient sans doute être nettement plus variées.
Des personnages tout d'abord absolument insupportables de vanité, effet certes recherché, mais qui empêche le spectateur de s'attacher totalement à eux. Ensuite, c'est vrai, on finit par les comprendre, leur trouver un certain charme, et on ne peut nier que leur relation est touchante.

The Artist, c'est la chute d'un acteur : sujet bien traité, destinée affolante, on en vient presque à avoir de la compassion pour ce Georges Valentin, délaissé par son public, perdu dans la parole, et s'accrochant de toutes ses forces à ce qui lui reste de silence !

SPOIL
Là où les pancartes de dialogues sont bien utilisées, c'est lors du point culminant. Le mot « bang » qui masque l'action, peut sembler classique mais il faut avouer qu'on ne s'y attend pas forcément. C'est à ce moment-là qu'on se dit que le film peut basculer d'un côté comme de l'autre.
Bien sûr, on ne souhaite pas sa mort, ce n'est pas ça. Mais plonger dans le happy end et la fin classique du mot « action », c'est quand même assez téléphoné....

Et ce retour soudain à la parole, mon dieu pourquoi ! A quoi bon ! Aucun intérêt, sinon souligner au stylo rouge à quel point ça finit bien. Et surtout aucune logique ! C'est dans la vie réelle qu'il retrouve la parole alors qu'il n'y aucun changement de ce côté-là, non, il n'était pas muet dans la vie de tous les jours ! Ça n'aurait pu marcher que s'il s'était mis à parler sur le plateau pendant le tournage, car c'est cela la véritable transformation. Grosse incohérence à mon sens donc. Comme une façon de se dérober au dernier moment, et de ne pas assumer le silence jusqu'à la fin (pourtant il ne restait pas long !). Ou comment trouver un échappatoire en choisissant une fin facile...

De très beaux moments : la mise en abîme est bien traitée, des jeux de reflets, de miroirs, des mises en parallèle entre l'acteur, l'écran, son tableau...La scène ou Mlle s'enlace elle-même dans la veste de George est très belle. Et n'oublions pas les scènes de danse : les scènes de claquettes bien sûr (même si, honnetement, elles n'inventent rien), mais surtout le jeu de pieds entre les deux protagonistes, tous deux séparés par un panneau.

N'empêche, que c'est bruyant une salle de cinéma à l'heure actuelle ! Le film n'y peut absolument rien mais peut-être que ne serait-ce que pour cela le pari ne pouvait être absolument réussi, la « déshabitude » du silence multipliant tous les bruits, mêmes infimes, par mille tant l'on entend tout.

En somme, un film plaisant, à voir une ou deux fois, mais qui ne donne pas particulièrement envie d'y revenir davantage. Il faut reconnaître à ce film ce qu'il a de qualités et de mérites, c'est un bon film mais pas aussi exceptionnel qu'on aurait pu le croire. Un engouement incompréhensible à mon goût... Un retour au genre qui n'apporte rien, ou du moins pas grand chose, préférez à celà un bon Chaplin pour le comique, et un inégalable Singin in the rain pour les scènes de danse.


Coup de gueule :

Les oscars me feront décidément toujours vomir. Leur acharnement à encourager des films "gentils", "qui plaisent à tout type de public", et surtout qui ne prennent pas de risques, me dégoute au plus haut point. Particulièrement en cette année 2011 qui nous a offert un choix du meilleur cru ! Mais non, pourquoi récompenser des films qui montrent la vie telle qu'elle est, qui ne sont pas tout roses, presque "violents" physiquement ou moralement.
(( Dujardin a surpris en changeant de genre, mais objectivement, est-ce vraiment la meilleure performance masculine de l'année ? NON ! ))
Pourquoi récompenser un Shame (et sa vedette Fassbender), ou un Drive (Ryan, l'homme aux quatre films en 2011) ?! Où tout simplement un Tree of Life, qui aurait largement plus mérité le titre de meilleur film, et de meilleur réalisateur. Et j'en passe, et j'en passe. Non vraiment, ce serait trop demandé. Alors quand on me dit "The Artist", je pense "oscars". Et quand je pense "oscars", j'ai des boutons...Conclusion :"The Artist" me donne des boutons !

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le 7 avr. 2012

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emmanazoe

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