Hou Hsiao Hsien est un cinéaste de la lenteur. Et également de la subtilité. Car derrière ces moments langoureux il se passe toujours une chose, un sentiment entre les gens, une mécanique sociale ou politique qui empêche, qui force et qui demande de prendre une décision. Alors que dans ses précédents films comme Les Fleurs de Shanghai ou Three Times, tout y était traité de manière elliptique, ici il explique d'une certaine manière son traitement par le formalisme coupé des scènes d'actions par exemple. Il nous montre un bouillonnement, une action. Puis sans prévenir nous voyons la vie, qui semble tranquille, des gens de cours. Il se passe toujours une chose ailleurs qui a de l'influence sur la vie telle qu'on croit la percevoir. Il ne l'avait encore jamais montré de manière aussi explicite. De manière tout aussi explicite, il réalise un film somptueux dont les femmes sont le sujet en filigrane.



L'éclat de l'action ressort, peint sur le canevas du temps et de la patience



Dans le même temps il signe une œuvre qui traite d'action, de complots et d'aventures en étant une sorte d'anti John Woo. C'est en ne montrant que peu l'action, au milieu d'un rythme langoureux, qu'il la rend plus efficace et réaliste. Il fait monter la tension par le processus de coupe dans les scènes de combat expliqué plus haut, par une musique simple et lancinante, par le jeu des comédiens également et pas un scénario subtil qui fait entrer en jeu les différentes tensions entre les personnages. Et leurs regrets.
Le temps est un élément du film. Nous ne sommes pas là pour passe le temps mais pour le ressentir. Et ces moments fugace d'échanges de mots ou d'échanges de coups, sont à la fois doux et terribles. Quand les conseillers du seigneur de Weibo parlent encore et encore, cela souligne, par opposition, la vacuité de leurs paroles. Elles ne peuvent rien face au destin, face à la mort elle même, qui rôde sous les traits de Shu Qi.



Un film sur les femmes



Shu Qi joue donc cette femme qui assassine. Elle est est centrale. La place des femmes l'est aussi. C'est elles qui meuvent, principalement dans l'ombre, les fils des intrigues. Elles qui prennent les décisions qui comptent, qui savent. Elle qui démasquent la magie noire. D'ailleurs c'est cette partie sur les ensorcellement qui laisse perplexe et qui ne s'intègre pas réellement au reste du film. Si à la place il y aurait eu un autre assassin cela aurait été plus cohérent par rapport à l'intrigue politique. Mais cela aurait créé aussi un autre personnage miroir à l'assassin et il y en a déjà un. Celle-ci, encore une femme, est la protagoniste du combat le plus pur et qui prend place dans un le cadre le plus raffiné qu'on ait vu depuis longtemps dans un combat d'arts martiaux cinématographique : le combat au milieu des bouleaux.



Le film qui explique la méthode de l'auteur



Le style elliptique de Hou Hsiao Hsien est porté ici à son comble. Et dans le même temps il révèle sa formule. Il est beaucoup plus explicite qu'à son habitude. Il stoppe les combats en effets pour montrer que la vie continue à côté. Que la tension est présente dans la quiétude parfois et inversement le sérénité dans la lutte, comme en témoigne le visage de Shu Qi tout au long du métrage.
La beauté non stop à l'écran, comparable uniquement à un Kurosawa (dans Ran par exemple) ou un Visconti, abreuve nos yeux en permanence. Chaque image, chaque plan est calculé au millimètre comme le faisait un Renoir. Il change d'ailleurs le ratio de l'écran pour produire des effets esthétiques et pour maintenir ses compositions. Par exemple pour la scène où la nonne joue de la cithare, le ratio respecte la longueur de l'objet et donc la composition elle même. Il l'explique dans cet entretien. Ostensible encore une fois.Quand on entend le mot composition, on pense à la peinture. Et c'est exactement ce que le réalisateur fait ici : il peint des toiles qu'il assemble pour créer une exposition en mouvement.


Avec ce film qui frôle le chef d'œuvre, Hou Hsiao Hisen continue à être le réalisateur de ce qui se passe en interligne, du subtil, de la tension derrière l'élégance. Un des grands maîtres du septième art de notre époque.

Créée

le 14 mars 2016

Critique lue 674 fois

Fiuza

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