" Je dois pas sentir comme il faudrait, l'argent et le succès "

Les plans de Sofia Coppola sont courts, secs, rapprochés, bruyants comme s'ils voulaient épouser à tout prix le mouvement effréné, quasi hystérique de cette jeunesse de Los Angeles. Une jeunesse que Sofia C. s'évertue à nous montrer vide de sens, d'intérêt, d’objectifs. Si, peut-être travailler dans la mode, diront-ils furtivement un jour sur la plage. Mais non pas pour assouvir une vocation plus pour faire comme tout le monde. Enfin, comme les stars qu'elles côtoient de près ou de loin et dont tout à coup elles et Marc, le solitaire qui voulait devenir beau, convoitent les maisons, les tenues hors de prix, la vacuité.

Dès lors le cinéma de Sofia commence enfin, quand le premier cambriolage a lieu, facile, simplet, enfantin. Une toute petite grille à franchir et tout s'offre à eux. Sans limites, sans barrières. Rien ne les arrête, ni un accident de voiture, ni les vidéos qui commencent à circuler. Ils se vantent même d'être ce qu'ils sont: ceux qui pénètrent dans les maisons de stars qui le sont devenus pour des raisons encore plus obscures qu'eux. Alors Sofia traque tout, les photos sur facebook, la musique assourdissante, l'apparence, le luxe. Et la famille, absente, flippante, incompétente. Aucune valeur ne parvient jusqu'à ces jeunes là, au delà de celle de la célébrité facile, des vêtements de luxe et du vide. Car les stars qu'elles admirent n'en sont pas vraiment, ce sont des êtres érigés par une société pour leurs frasques et qui ne comprennent pas grand chose à ce qui leur arrive. A l'image de cette bien trop connue Paris Hilton, réelle victime de ce gang de pacotille qui accepta de prêter sa maison pour le tournage. Une maison suintante d'autosatisfaction, remplie d'effigies représentant sa propre propriétaire incrédule qu'on imagine se vautrant (mais dans des vêtements très chers) dans la propre admiration d'elle-même, sans limite. Ainsi, ces jeunes passent le plus clair de leur temps à se photographier, à se regarder dans un miroir, à s'habiller et à croire qu'ils vivent.

Course effrénée vers la chute, course inévitable qui montrera ce qui fait la force selon moi du film et du cinéma de Sofia (dont je n'ai vu que deux films en plus de celui-ci), vers la dissolution de ces silhouettes dessinées avec ferveur (avant c'était la grâce) par la réalisatrice. Des silhouettes qui se croient libres, libres mais seules à la fin. Parce qu'elles se sont mentis, on le voit dans les dernières scènes, bien trop courtes, de solitude de Marc. Seul au début, seul à la fin (mais avec une page Facebook de fan. Autant dire, rien). Sofia Coppola capte alors cette réalité, cette essence d'une société où l'on carbure à tout et n'importe quoi. Surtout à n'importe quoi. Où l'on oubli la vraie beauté. Une société finalement où rien n'arrête personne même pas la prison. Victime et coupable s'y retrouvant quasiment en même temps. Rien n'est appris. A part une chose pour Nicky (Emma Watson), c'est que tant qu'il y aura un système, pourquoi donc s'en priver et chercher à en échapper. Il suffit de quelques larmes devant une caméra, d'une rédemption et ça repart. Toujours trop vite toujours trop loin jusqu'à la chute du vide... Effrayant. Un regard rondement mené donc, bien rythmé, filmé avec une patte reconnaissable. Un film où il n'y a plus alors d'humanité, de sentiment où ne reste à la fin que le sourire de pacotille. Sofia aurait pu aller encore plus loin, prendre plus son temps et son film aurait alors eu à mes yeux une vraie valeur. Même si on sent aussi un vrai plaisir à filmer ces gens là, comme si ça en devenait drôle, je le trouve encore trop anecdotique, trop détaché.
eloch

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5

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