Sofia Coppola, cinéaste par excellence de la futilité et du vide élevé au rang d’art de vivre, s’attaque dans The Bling Ring à un sujet taillé pour elle : l’histoire de ce gang de jeunes qui vola plusieurs célébrités hollywoodiennes pour s’assurer le même train de vie et fantasmer une vie de star dans tout ce qu’elle a de plus superficiel. La cinéaste de Marie-Antoinette portant à l’écran une histoire symptomatique des travers d’Hollywood et du star-system décérébré ? Après tout, pourquoi pas. On pouvait espérer un film un peu sale sous ses aspects de richesse vulgaire, un film un peu provocateur, sans moralisme.


Mais devant l’inanité du résultat, alors que s’enchaînent des scènes d’un vide intersidéral porté par des acteurs dont le rôle n’existe pas, on ne peut que faire un constat sans appel : Sofia a confondu filmer le superficiel et faire du superficiel.


Là où on aurait pu espérer quelques scènes fortes, un scénario certes simple mais rempli de scènes chargées de sens, un peu survolté, très ambigu, avec les affres d’une adolescence perdue et les fantasmes d’une célébrité créée de toutes pièces comme en proposent les mirages d’Hollywood, bref, un film dans la lignée du surprenant Spring Breakers, tout ce que Coppola nous offre à la place, c’est un enchaînement de scènes vides, répétitives, dans lesquelles rien ne se produit et qui pourraient être montées dans un autre ordre sans que rien ou presque ne change.


Et de toute évidence, la fascination de nos héros pour ce monde de luxe et de vide est partagée par la cinéaste, depuis le générique de début où, avant le traditionnel « inspiré de faits réels », elle se fait plaisir en précisant « inspiré de l’article XX paru dans Vanity Fair ». Les marques de luxe sont énumérées avec délectation, les images d’archives de star, les murs facebook, les musiques de boîte de nuit, les noms de célébrité, les émissions de news inutiles, tout cela envahit l’écran sans aucun esprit critique, avec un vrai premier degré.


On aurait pu imaginer un film porteur de sens, d’un quelconque sens. Il aurait suffi de travailler les personnages, de nous les montrer vivre, au lieu de ne prendre que quelques instants de détail qui, de fait, servent simplement de décor : l’amitié entre Marc et Becca, le sentiment de solitude de ce garçon pas très populaire, son attachement pour son amie, le personnage fascinant, charismatique et détruit de Becca qui semble ne vivre que quand elle se sent proche de ses idoles, leur plongée dans l’alcool, la drogue, les soirées, l’ivresse de la gloire facile, tout cela portait pourtant en germe des sujets intéressants, quoique pas nécessairement très originaux. Il y avait matière à un film survolté sur l’adolescence, à un drame social sur les rêves d’une ascension sociale fantasmagorique, par le vide et le luxe. Il y avait matière à de belles scènes avec ce moment où Marc se met à se filmer danser, se sentir beau. Ou celui où Becca, en transe, se parfume avec l’odeur de son idole absolue, Lindsay Lohan. Bref, il y aurait eu matière à en faire un film porteur de discours.


Et la fin du film se rattrape presque, lorsque l’on voit l’exploitation médiatique sans scrupules de la part de qui que ce soit ; où l’on voit l’opportunisme de Nicki, la destruction de l’amitié entre Becca et Marc, le retour soudain de l’intimité et de la fermeture sous le monde avec ces deux portes coup sur coup, celle du tribunal et celle de la prison.


Mais Sofia cède exactement à ce qu’elle semblait se proposer, peut-être, de dénoncer, ou du moins de critiquer et d’analyser. Le film se complaît dans la peinture de vols, de soirées, de dialogues sans intérêt, sans aucun recul, sans aucune analyse, juste pour le plaisir de le faire, de le filmer, de le mettre en scène, de le vivre. Les personnages n’ont aucune épaisseur. Emma Watson essaie très clairement de casser son image et en fait trop. L’outrance et la vulgarité nous envahissent et on s’en fout, détachés devant ce film vide qui ne fait que raconter et illustrer ce qu’il croyait analyser. Tout ce que j’en retiens, c’est que j’aime bien le dressing de Paris Hilton et que j’ai très mauvais goût.


En soi, The Bling Ring est un objet d’étude intéressant. Sur la tendance d’Hollywood à s’auto-raconter, avec un faux esprit critique et une vraie fascination pour soi-même. Sur le vide d’un monde capitaliste déconnecté de la réalité. Sur Sofia Coppola, l’enfant roi du star-system, qui décidément n’aime rien tant que filmer le vide. Mais en rien ce n’est un bon film. Parfois, quelques fulgurances laissent entrevoir ce qu’il aurait pu être. En l’état, c’est un échec, ni provocateur, ni réfléchi, ni construit. Une suite de publicités et de clips. Intéressant parce qu’il est l’émanation d’un monde qui reflète énormément de travers de la société américaine et occidentale ; ennuyeux parce qu’on en apprend tout autant en lisant la page Wikipédia de Lindsay Lohan et qu’on perd moins de temps.

Kabouka
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus en 2016

Créée

le 21 févr. 2016

Critique lue 342 fois

1 j'aime

3 commentaires

Kabouka

Écrit par

Critique lue 342 fois

1
3

D'autres avis sur The Bling Ring

The Bling Ring
guyness
3

Placement de Marc

Louboutins, M.I.A, Channel, Kirsten Dunst, Hervé Léger, Guerlin, Alexander McQueen, Lil Wayne, Prada, Paris Hilton, Facebook, Vanity Fair, macouillegauche, Lindsay Lohan, Rolex, Rachel Bilson,...

le 31 oct. 2013

62 j'aime

18

The Bling Ring
EvyNadler
3

Il est mort mon soleil.

Le gros problème de Sofia Coppola, c'est que plus les années passent, plus son style s'affirme. Et malheureusement, le cinéma qu'elle propose est merdique. Alors là, c'est le drame, je me sens obligé...

le 10 août 2014

53 j'aime

4

The Bling Ring
Sergent_Pepper
6

« Your butt looks awesome »

Vanité des vanités, tout est vanité. Plongée dans la jeunesse oisive en manque de sensations fortes, The Bling Ring ne nous épargne rien de tout ce qui peut creuser le fossé entre cet âge et celui...

le 28 nov. 2013

44 j'aime

5

Du même critique

The Witcher: Enhanced Edition
Kabouka
9

Une belle claque et une grosse dose d'originalité

The Witcher, ou la preuve qu'on peut à tout moment être surpris par le monde du jeu vidéo. Un obscur studio polonais dont c'est le premier jeu, une obscure série de livres (célèbre en Pologne et dans...

le 14 oct. 2012

17 j'aime

Just Like a Woman
Kabouka
7

Envoûtant

Just Like a Woman, c'est d'abord et avant tout un film d'une mélancolie incroyable, plein de torpeur, d'élégance et de douce amertume de la vie. Cette histoire de deux femmes délaissées par le sort...

le 14 déc. 2012

12 j'aime

1

Batman & Robin
Kabouka
2

Bienvenue à Nanarland

Ce qui est bien avec ce film, c'est qu'il ne m'a jamais déçue. On nous le vend comme une des pires bouses cinématographiques qui soient, comme une honte à Batman, Clooney et O'Donnell l'ont renié...

le 16 août 2013

9 j'aime