Californie, années 2000. Le décor est planté. La jeunesse, la vingtaine, la mode, l'excès, l'outrance, tout est décrit, tout est là, tout est permis. Les personnages sont traités avec légèreté, les familles sont stéréotypées, les figures des parents sont complètement dépassées et, quel que soit ce qui arrive à leurs enfants, sont là pour les protéger avec l'ignorance qui est la leur. La caricature de la philosophie pseudo-bouddhiste et du karma chez la famille de Nicki, qui passe complètement en dehors des intérêts des filles dès le début, est d'ailleurs bien menée et, dispersée par-ci par-là, contribue à une des différences entre les personnages du film. Ou plutôt, les groupes de personnages. Car dans cet univers de spectacle, d'apparences, de superficialité, aucune psychologie des personnages, et c'est ça qui fait l'intérêt de ce film sur lequel on crache visiblement.

Nul besoin d'analyses, de prise de conscience, pire, de message, non, à l'instar de la dernière adaptation de Gatsby le magnifique, tout es montré, tout brille, tout a l'air insouciant si l'on ne se fie pas à Marc, seule figure humaine parmi les personnages assez peu nombreux. Il y va presque de l'exercice de style ; faire se côtoyer Emma Watson et des acteurs inconnus, tourner dans la véritable demeure de Paris Hilton, avec Paris Hilton dans son propre rôle, intégrer la majorité des moyens de communication et des médias existant (internet, carte par satellite, Facebook, téléphone, photo et vidéo par téléphone, télé, magazine, montages photo s'amoncellent en un énorme tas de communication incessante en seulement 1h30), ou encore jouer à la poupée en habillant et rhabillant Emma Watson, égérie du mannequinat et de la beauté, tout cela présente le film comme un jeu, comme une pellicule habillée, déshabillée, rhabillée, customisée, cambriolée, diffusée de la même manière qu'une people ou que sa demeure ou que son chien. Le film est un objet. The Bling Ring est esthétiquement une mise en abyme qui rigole bien du spectateur qui lui cherchera la petite puce, qui cherchera à l'analyser, à lui extorquer le message qu'il pourrait détenir alors que c'est bien le dernier de ses soucis. Il n'a absolument rien à dire, et tant mieux, l'art ne dit rien, l'art n'a pas de bouche, l'art ne mérite pas de s'abaisser à une morale que l'on balancerait directement au spectateur, l'art ne se prostitue pas. Pas de psychologie des personnages, dialogues et commentaires interchangeables, plans parfois en caméra à l'épaule instable, qui caractérise de nombreux films par des jeunes pour des jeunes, parfois en caméra vidéo, parfois issus de reportages télé et de vidéos sur Internet, un jeu d'acteur en effet inexistant, je soutiens en effet, mais du point de vue positif, que The Bling Ring est un film superficiel pour traiter de la superficialité.

Mais attention, loin de moi l'idée de justifier les maladresses du film en disant que " c'est normal c'est la volonté de l'auteur ", vous avez autant de chance de m'entendre dire ça que de voir Lars von Trier faire un film cohérent compréhensible pour le spectateur. Certes, le film ne dit pas, il montre. Mais il montre avec une tristement dommageable absence totale de subtilité. La mise en scène est très faible et les images s'enchaînent sans rythme. La scène où Marc est Rebecca avancent en voiture au soleil en levant la tête vers les palmiers a l'air ridicule tant la voiture est lente. La musique semble à la mode seulement pour être à la mode, sans aucun intérêt spectaculaire. Les silences pendant lesquels les villas sont cambriolées rendent ces scènes d'une mollesse vite ennuyeuse et décevante.

Je reconnais que la défense que je prends de ce film est fortement influencée par ma motivation première ; voir Emma Watson. Elle s'émancipe enfin de son rôle de Hermione et est une des rares à être dans le personnage, réussie en salope fashion et tout aussi magnifique — les jambes à poil sur tous les plans, les boobs sur la moitié, des styles puputes et j'en ai eu pour mon argent, c'est déjà ça et le film a même l'air taillé pour elle (http://i.imgur.com/ZkzPvsl.gif). Mais quelles que soient les qualités de chaque rôle, Sofia, fais comme ton papa, vas-y à fond ! Si tu mets de la musique de fête dans les effusions d'alcool, de luxe, de jeunesse et de débauche, te contente pas d'un mec qui appuie sur la même touche d'un synthé toutes les deux secondes ! Si tu mets en avant le luxe outrancier de chaque villa, renchéris avec une même musique, quelque part entre Gastby et Requiem for a dream, ne nous laisse pas dans le silence surtout quand les lignes de dialogue se résument à " Waouh, trop parfait ! " et " Hallucinant " (mmmh oui, je n'ai pas eu la chance de le voir en VO, et croyez-moi je regrette) ! Si tu filmes un Marc qui s'essaye à la fumette, ne nous sors pas une vieille vidéo prise à la webcam avec deux figurantes derrière ! Et évite enfin de nous infliger une recherche aussi simple et magique que " Paris Hilton address " pour trouver l'adresse du lieu à cambrioler d'un coup de baguette et la porte grande ouverte ! Tout cela sent l'économie de bout de chandelle et la mise en scène ne colle que dans l'idée au propos, et j'aurais aimé bien plus d'efficacité pour adhérer à cette démonstration terrifiante mais terriblement actuelle de la société du spectacle.

Si je suis le premier à crier sur l'agressivité des mises en scène et sur les films qui reposent essentiellement sur l'idée et la volonté de l'auteur, je ne déverserai jamais ma haine sur The Bling Ring puisque, même si j'en aurais aimé plus, plus, et encore plus, le spectateur de théâtre détrompé que je suis a apprécié le film tel qu'il est ; une démonstration, une sorte d'exercice de style autour d'un fait réel récent, et qui plus est une vitrine pour une Emma Watson, seule actrice qui sait porter un personnage délibérément exagéré et outrancier. Le film marche, ce qu'on voit fonctionne, mais la mise en scène aurait pu être extrapolée pour fonctionner bien mieux. The Bling Ring ne reste pas que dans l'idée, mais, à travers ses bêtes et nombreuses facilités et son flagrant manque de subtilité, il reste dans une image toute faite, dans une sorte de cliché pour lesquels il suffit cependant de faire un petit effort pour s'en détacher, pour apprécier les robes, les bijoux et les talons de ce film, pour l'arracher enfin à sa tant décriée idéalité.
Ashen
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le 17 juin 2013

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