The Bookshop par Christine Deschamps

Après le Cercle des éplucheurs de patates, les papivores anglais sont de retour dans le film d'une réalisatrice espagnole qui a réussi à tout gommer de son origine nationale. Elle semble au contraire fascinée par la british retenue, qui fait en sorte qu'un soulèvement fugace de paupière équivale à une heure de fado à l'ibérique. Bill Nighy est exemplaire en la matière et la scène dans laquelle, fulminant de colère contenue, il hausse le ton d'un décibel face à une impériale Patricia Clarkson, toujours aussi à l'aise dans les rôles de bourgeoise névrosée, restera dans les annales du flegme insulaire à l'état pur. Hors de la perfide Albion, le gars aurait répandu les viscères de la mégère aux 4 coins du salon et dégusté ses reins dans l'âtre fumant. Mais non, là, il lui envoie à la figure un adjectif magnifique d'understatement et s'en va

deux rues plus loin. Je suis une fanatique de l'adjectivation éloquente, autant dire que j'ai applaudi, perchée sur mon Larousse ! Pour le reste, à part des lumières soignées, le film reste bien en-dessous de ce qu'on pouvait attendre de lui, mais n'en est pas pénible à suivre pour autant. Je n'ai pas lu le livre dont il est tiré, donc je rate là des tas d'arguments en sa faveur, éventuellement. Ce qui est certain, c'est que la voix off, collée ça et là au forceps, fait un peu toc et que l'épilogue semble envoyé à la va-vite sans grande pertinence, mais bon, l'histoire tient sur un timbre, alors contentons-nous de nous rincer l’œil à l'air marin et d'apprécier le travail des comédiens, ça n'est déjà pas si mal.