Ce qui séduit dans une première réalisation de ce calibre, c’est l’endurance. Dès la première scène, Michael Angelo Covino et Kyle Marvin le comprennent et ils nous le partagent dans une ascension émotionnelle, habilement mise en scène. Et quand bien même le concept repose sur du vécu, les mouvements et les dialogues prendront le pas sur cet élément qui semble à première vue anecdotique, mais que l’on détourne en un nouvel objet qui prône l’amitié. Sous une certaine influence de Woody Allen et une touche française, en passant notamment par le tristement méconnu « Le Grand Amour » de Pierre Etaix, Covino réalise un magnifique parcours dégraissant et d’une grande sensibilité.
Le metteur en scène ne lâche donc rien, même jusque dans le rôle de son personnage Mike, qui finit par se laisser distancer par son ami et manque en plus une sortie de route honorable. Mais c’est justement dans cette fragilité qu’on finit par puiser toute la noblesse d’une amitié, rigoureusement bien exploitée à l’écran. Quant à Kyle Marvin, qui tente tant bien que mal de tenir son boulet d’ami en laisse, il fait toujours l’objet d’un recul situationnel dans sa vie affective. Il ne cesse de progresser et s’emploie à faire plaisir à son entourage, dont il dépend, tout comme un ami qu’il a égaré sur le col de Vence. Chaque scène est ainsi soigneusement pensée afin de prendre de la hauteur sur les révélations et la vérité. Les nuances sont distinctes et permettent une lecture de l’intrigue en continue, malgré un chapitrage grossier, mais qui offre une meilleure méditation sur des ellipses dont on évite les écueils de la bromance.
Ainsi, le portrait du duo est brossé jusque dans une danse lascive, à la fois sur la selle d’une bicyclette et sur une scène de mariage apocalyptique. Covino prend également soin d’appliquer du rythme dans des plans-séquences que l’on croirait interminables. Mais l’on finit par pardonner, au diapason d’une relation toxique, mais qui aura le dernier mot sur des émotions refoulées. Des plans sur le décor, c’est une pensée pour un état d’esprit et on fait constamment le point sur l’avancée comportemental de chacun, qui cherche à cueillir le bonheur comme il le perçoit. Et l’idée est de confronter ces deux visions, ces deux enragés de la vie qui se trouvent constamment sabordé par des comiques de situation entre deux échanges intimes et furieux. Le sacré mélange alimente la tension et le plaisir du mauvais goût comme du bon. Le film ne ment pas, il se permet simplement d’écrire une comptine revigorante, surtout à ceux qui peinent à écrire leur lettre d’amour.
« The Climb » n’est pas seulement une tragicomédie sincère, car comme son nom l’indique, l’œuvre nous emmène toujours plus loin, malgré le cynisme, la trahison et la promesse des protagonistes. L’aboutissement de chacun ouvre alors des horizons, qui feront tantôt grimacer, tantôt rire et finit par retomber sur un équilibre limite revanchard, si l’on se tient à la description de l’amour vu par l’Eglise ou par des parents fétiches, dont l’émancipation ne fait aucun doute. La beauté du geste compte et on le ressent jusque dans la théâtralité de l’instant, celui qui saisit, celui qui rappelle ô combien il est plus facile d’aimer que de haïr son alter-égo.