Bobby Walker(Ben Affleck) est un jeune cadre dynamique qui a tout ce dont on peut rêver dans la vie, un boulot bien payé, une belle voiture avec une grande maison, une femme aimante et des enfants. Une situation qui l’amène naturellement à penser qu’il occupe une position privilégiée, mais sans forcément se conduire comme un connard arrogant. Puis la crise est arrivée, et elle n’épargne personne, ce dont il va péniblement réaliser lorsqu’il se retrouve licencié sans préavis. Une situation plutôt humiliante, à celui qui a vécu dans une culture basée sur les apparences, où il faut à tout pris paraître comme un gagnant qui connait le succès. Fini le train de vie élevé, le golf, sa belle voiture et sa luxueuse maison qu’il se retrouve obligé de vendre. Dans un premier temps il refuse cette situation et persiste à vouloir continuer comme avant, mais les réalités le rattrapent. Il tente bien de trouver un nouveau travail, mais il se retrouve à nouveau confronté à son déni et sa suffisance inconsciente, lorsqu’il refuse des offres qu’on lui propose ayant un salaire bien inférieur à celui qu’il gagnait auparavant, d’autant qu’il s’avère concurrencé par des cadres plus jeunes, sans famille et moins exigeant sur les conditions. Après avoir initialement refusé, Bobby accepte à contre cœur de travailler avec son beau-frère, charpentier qui ne cache pas son mépris pour les gens comme lui, gagnant des sommes colossales bien supérieures au labeur fourni. Les premiers jours sont rudes, mais il finit par changer de perspective.
La crise frappe aussi Phil Woodward, un autre cadre de l’entreprise d’un grade plus élevé. La chute lui est d’autant plus dure que Phil a désormais 60 ans et les cheveux grisonnants. Et si lui déclare se sentir encore en forme, plus personne n’est enclin à le reprendre.
Le troisième protagoniste, Gene McClary, un des fondateurs de la société qui se voit obligé de fermer. Il s’oppose à la politique de licenciement mais son supérieur lui rétorque qu’ils n’ont pas le choix et qu’ils doivent rendre des comptes aux actionnaires. Malgré sa position, et même celle donc de son supérieur soumis aux actionnaires, il n’a qu’une influence limitée face aux lois économiques.
« The company men » parle donc du chômage, thème plus que d’actualité, et s’il choisit des cadres aisés, les difficultés qu’il évoque n’en sont pas moins réelles et rencontrées par tous. Ce choix de personnages a été assez critiqué, comme si leur situation rendait leurs épreuves moins pénibles et diminuait l’intérêt de suivre leurs réactions. Des critiques que je ne comprends pas vraiment… Pourtant, en un sens ces personnes sont plus durement touchées par la crise. Ils se croyaient à l’abri, et sont touchés du jour au lendemain, sans comprendre ce qui leur arrive. Ils étaient habitués à un train de vie confortable, et ils doivent désormais l’abandonner. Plus dur est l’ascension plus dur est la chute…
Certes, en temps normal, Bobby ne serait pas forcément la personne avec qui l’on aurait envie de discuter. Mais à le voir perdu, licencié sans vrai soutien de ses collègues, tous ses repères chamboulés y compris ceux qui lui tenaient à cœur, tout ceci incite à ressentir de la compassion pour lui. On n’a quand même vu des antihéros plus antipathiques… Après tout, faire des sacrifices, renoncer à ce qui nous fait plaisir, avoir conscience qu’on ne retrouvera pas tout de suite sa situation d’avant, accepter d’aller de l’avant, se remettre en question et revoir ses objectifs, constituent des épreuves que tout chômeur connaissent, avec plus ou moins de difficultés il est vrai.
Quel que ce soit l’avis sur la question, grâce au jeu des acteurs et la réalisation, le film se regarde sans déplaisir. On pourra quelque peu regretter une fin un peu trop happy end qui n’était peut être pas le meilleur choix pour rester conforme à la réalité, mais elle a l’avantage de créer un peu d’espoir, l’espoir de s’en sortir et d’agir différemment qu’avant.
« The company men » s’avère donc un drame social, plus qu’une réflexion sur le chômage et la crise, à l’inverse d’un film comme « margin call », qui démontrait à quel point l’homme avait contribué à créer un système économique trop complexe qu’il ne maîtrise plus, les acteurs eux-mêmes soumis aux aléas des cours, des suites de chiffres abscons pour les décisionnaires, un brassage d’éléments virtuels où tout finit par s’effondrer. Un film dont la réalisation était cependant un peu terne, sans réel ressenti des personnages, et un peu trop incompréhensible pour ceux n’ayant aucune connaissance en finance. « The company men » évite ses écueils et s’attarde quant à lui sur les conséquences humaines de la crise. Et peu importe la situation des personnes concernées, elle touche, comme on l’a dit, tout le monde. Et le fait d’avoir vécu la belle vie jusque là ne rend pas la situation plus facile…
Bobby le réalisera lui-même, ses conditions de travail n’étaient pas idéales : toujours stressé avant chaque bilan financier, à devoir lutter contre de jeunes cadres opportunistes dans un environnement très compétitif… Comme ce cadre de « margin call » qui pleure après avoir été licencié, son rêve tombé à l’eau, on réalise qu’au final les personnes qui font marcher le système en sont eux-mêmes les victimes. Sauf ceux qui en sont au sommet et qui s’en sortent toujours…
Comme j’avais pu lire sur une autre critique (dont je ne me souviens hélas plus de l’auteur…), « the company men » s’avère un bon complément à « margin call ». L’un apportant un éclairage technique sur la crise mais plutôt dénué d’émotions, l’autre se concentrant d’avantage sur l’humain, mais un peu plus convenu.