Gary Hart, sénateur au moment de l'élection, est candidat à la présidentielle des Etats-Unis. Alors qu'il est donné comme favori, une affaire révélée dans la presse va complètement changer sa campagne.
A la réalisation, on retrouve Jason Reitman, réalisateur confirmé qui agrandit sa filmographie en la développant vers la politique, lui qui avait pour habitude de livrer des films plus actés sur la famille ; en tête d'affiche on pense à Juno et dernièrement le récent Tully. Dans un tout autre sujet, il montre une nouvelle fois tout son talent de mise en scène, en délivrant son meilleur film.
The Front Runner se pose entre deux points de vues sans prendre parti pour l'un ou l'autre, et laisse au spectateur le soin de décider lui-même ce qu'il trouve juste ou non. Faut-il lier la vie privée d'une personne politique qui s'apprête à être président, quitte à oublier tout son programme à sa moindre erreur ? D'un côté, on trouve Gary Hart, figure phare de la politique à cette époque, qui n'est pas trop "vie privée", qui pense ne rien avoir à rendre compte de ses affaires personnelles. C'est simple, il n'aime pas en dire sur lui, ne jugeant pas nécessaire des informations de sa vie au dépend de ses idées qu'il place au-dessus de tout. De ce côté figurerait l'idée que seules ses idées comptent et non pas ses affaires extra-politiques, un unique jugement sur ses positions politiques. A l'opposé, on retrouve les différents journalistes, du Miami Herald au Washington Post, dans l'idée qu'un personnage politique se doit de "tout dire" à ses électeurs, de montrer l'exemple même hors de ses fonctions ; qu'il doit faire face à lui-même au-delà de son programme politique. Ce qui est encore plus intéressant, c'est que cette question qui pourrait faire écho aux français pour de nombreuses affaires politiques récentes, est toujours compliqué à penser. Et ce côté-ci, de ne pas savoir quoi en penser, est aussi représenté par les personnages s'occupant de la campagne de Gary Hart à certains moments, mais encore par un journaliste qui ne s'est plus quoi penser du sénateur. Alors, à vous de choisir votre position.
Sans être moralisateur, le long métrage ouvre la voie vers l'état actuel où la politique est une course sportive, et où la vie privée n'est plus pour un homme politique, et explique par son discours de fin que des personnes talentueuses ne s'aventureront pas vers ses routes à cause d'une exploitation journalistique qui va au-delà de la sphère publique.
La misè en scène est très réussite, que ce soit par l'image de la campagne présidentielle qui est très bien reproduite, avec un Gary Hart lassé de tout ça, très bien interprété par Hugh Jackman. Le manque d'empathie envers celui-ci n'est en rien lier à l'intérêt de l'histoire, dont on prend un grand plaisir à suivre, où le sénateur va devoir faire face à des responsabilités qu'il n'imaginait pas subir. Alors on passe entre différents sentiments - de "c'est cruel ce qui se passe" à l'impression qu'il nous ment directement et ça reste savoureux, ou à la déception parfois à l'image de beaucoup de personnages bien écrits. Clairement, on a des scènes géniales, de discours à des dialogues qui nous lient directement avec l'oeuvre.
Un des défauts du film serait peut-être le fait que l'on ne connaisse pas ses idées en profondeur, pour nous mettre encore plus dans l'action avec le personnage, mais il est quand même relativement bien expliqué pour nous questionner.
The Front Runner est un très bon film qui ne manque pas de nous intéresser, qui questionne à la fois le journalisme et la politique, sans nous faire bondir non plus de notre siège pour autant, racontant avant tout comment Gary Hart a raté sa campagne présidentielle si bien débutée et a loupé de peu une place à la tête du pays de l'Oncle Sam. Il est délicieux à regarder par son très bon cadrage et sa belle mise en scène, sans arriver jusqu’à l’excellent par ailleurs.