“Men suffer more from imagining too little than too much”

The Greatest Showman est une comédie musicale moderne qui retrace la vie de P.T Burnam (Hugh Jackman), célèbre visionnaire de l’époque, précurseur du show-business et grand vendeur de poudre de perlimpinpin.


Après un deuxième essai, je parviens à une conclusion bien plus nuancée que la première fois. C’était avec un certain nombre de réserves et d'a priori que j’étais allée voir ce film dès sa sortie au cinéma. On ne va pas revenir sur l'interminable file d'attente, les millions d'affiches dans le métro et autres “t'es allée voir le nouveau film avec Troy Bolton et Wolverine là ? Faut trop qu't'y ailles, c'est ouf !”. Autant dire que tout ça commençait extrêmement mal ! En dépit du manque d'originalité de son scénario de même que du manque de profondeur de ses personnages, The Greatest Showman m'a ; pour une raison encore totalement obscure ; donné envie de le revoir.


L’esthétique des costumes, l’authenticité du jeu d'acteur de Hugh Jackman ainsi que l'alchimie du brillantissime duo Zendaya et Zac Efron (Double Z pour les intimes) sont autant de choses qui m’ont profondément marquées la première fois. Et pourtant, mon impression générale avait été celle d'une volonté d'émerveillement inassouvie et d'une déception assez prévisible. En d'autres termes “disappointed but not surprised !”. Après le très remarqué La La Land, The Greatest Showman m’avait paru n'être qu'une autre comédie musicale excessivement populaire, tristement audacieuse et vraisemblablement démesurée.


Mais nous n'avons pas froid aux yeux ! Non, nous sommes téméraires et intrépide ! Nous voulons le revoir ce film dont tout le monde parle encore plus d'un an et demi après sa sortie ! Je prends donc place devant mon petit écran, pop-corn chauds entre les mains et que le spectacle commence !


Il faut l'avouer, la scène d'ouverture est plutôt sensationnelle. Dès les premières minutes, nous sommes plongés dans l'univers éblouissant de P.T Barnum à savoir, un monde haut en couleurs où toutes les formes, toutes les tailles et tous les sons se mélangent pour donner une explosion visuelle et auditive. Tous les sens se coordonnent pour apprécier ces premiers moments du film qui semblent annoncer une suite toute aussi impressionnante. Les musiques et chorégraphies sont d'une qualité assez surprenante et particulièrement modernes. Nous sommes bien loin des comédies musicales traditionnelles. Ici, rythme et exaltation sont au rendez-vous à travers cette première scène frénétique et visuellement éclatante. Autant dire que la barre est mise très haut pour la suite.


C'est d'ailleurs l'un des premiers bémols du film car la suite a, à mon sens, un peu de mal à suivre le rythme. Un certain nombre de passages ne collent pas, les personnages me paraissent très stéréotypés et la surprise n'est malheureusement pas présente. Il manque ce “je ne sais quoi” permettant de métamorphoser l’énergie des musiques en une œuvre époustouflante.


Cela peut en partie s'expliquer par la personnalité singulière du protagoniste. Pendant une longue partie du film, j’ai associé Barnum à un magicien resplendissant et sublime dans sa démure là où il fallait en réalité percevoir un entrepreneur ingénieux et opportuniste. Sa propension pour l’exploration et l’extravagance a été faussement assimilée à de la magnificence. C’est l’une des raisons pour laquelle le film ne m'a pas du tout séduit la première fois. Car si même sa splendeur a été incapable de nous enchanter et de nous faire virevolter tels ses propres acrobates, qui d’autre pourrait nous charmer ? Ce que j’avais pris originairement pour de la passion et de la somptuosité n’était autre que de l’audace au mieux, de l’impudence au pire.


Ceci étant dit, Barnum apparaît très vite comme un précurseur incompris et insolite. Son imaginaire est irréfutable mais la magie n'opère pas et quand elle le fait, c'est de manière très prévisible et insipide. Il n'est autre qu'un visionnaire, un innovateur qui perçoit une multitude de possibilités. Il voit dans le spectacle, une opportunité de faire fortune et de prouver au monde qu'il n'est plus ce petit garçon quelconque aux chaussures trouées, fils de vaurien. A posteriori, on comprend donc que son but n'est pas de nous transporter au royaume de la féerie mais bien de nous prouver qu’il est digne de la gloire à laquelle il aspire. Prouver ou faire croire ? Je pencherais plutôt pour la seconde option, celle du leurre. Anne Wheeler le dit elle-même “Everyone has got an act” et le numéro de P.T Barnum est celui se rapportant au champ lexical de la chimère, du mirage, de l'utopie, de la supercherie.


Il tente de nous faire croire qu'il ne veut pas que ses filles connaissent le sentiment de rejet que lui et son père ont connu toute leur vie durant. Il ne souhaite pas qu'elles sentent qu'elles ne font pas et ne feront jamais partie de “leur monde”, celui des vrais gens, des gens normaux et respectables. Mais est-ce la véritable raison de son engouement pour le monde du spectacle et du divertissement ? Est-ce réellement pour cela qu'il voit toujours plus grand, qu'il veut toujours plus ? Ses agissements sont-ils uniquement dictés par son altruisme et sa philanthropie ? Est-il réellement prêt à tout pour ses deux familles (sa femme et ses filles d'un côté, les freaks de l'autre) ? Mmmmm, j'en doute... Car même lorsque son spectacle prospère, la soif de plus, de mieux, de plus grand vient frapper notre M. Loyal. Il n'hésite pas une seule seconde à abandonner sa famille, ses familles pour obtenir, grâce à Jenny Lynd, une plus grande reconnaissance et la notoriété qu'il croit mériter. On comprend assez rapidement que ses actes et décisions sont dictés par son ego, sa fierté. Son spectacle, il le fait avant tout pour lui, le reste (vendre du rêve, des sourires, des licornes et compagnie) n'est qu'une conséquence et certainement pas son dessein initial.


Mais sa cupidité ne s'arrête pas là puisque c'est également elle qui l'a menée à Phillip Carlyle ; son seul investisseur. C'est donc un P.T Barnum particulièrement méprisable qui se cache derrière son chapeau haut de forme et sa queue-de-pie. Et Jenny Lind ne se gêne pas pour le lui dire : “When you’re careless with other people, you bring ruin upon yourself”.


En parallèle, une chose m’a interpellée lors de ce second visionnage, ce sont les paroles de la chanson “The Greatest Show”, l'hymne de Barnum !
- "It's everything you ever want.
- It's everything you ever need.
- And it's here right in front of you”.

Non mais revenons là-dessus quelques instants parce que quand même, le mec nous dit depuis les toutes premières minutes du film que ce qu'on veut est juste sous nos yeux mais il lui faut malgré tout 105 ans pour se rendre compte qu'il veut juste voir ses filles grandir. “Ah ouais merde, je chante ça comme un con depuis le début mais j'avais jamais fais gaffe ! Bon bah vas-y, j'me casse, j'ai déjà tout ce qu'il me faut à la maison. Ciao les nazes !”. Pour le coup, il nous vend du rêve avec ça !


Après le défaut d’émerveillement, l'une des plus grosses déceptions de ce film est la faiblesse des sujets abordés. Un manque d’intensité qui aurait pu donner une dimension plus profonde à l’histoire. En effet, l'abandon est un thème assez récurrent (Barnum qui abandonne sa famille, Barnum qui abandonne ses freaks, Barnum qui abandonne Jenny Lind, Jenny qui l'abandonne en retour, moi qui abandonne tout espoir...) et pourtant, à aucun moment le sujet n'est creusé.


De même, le film soulève la question complexe du statut social et du regard des autres dans une société où le divertissement est vu comme une sous-catégorie insignifiante du néant. Je pense notamment à la scène où Phillip Carlyle invite Anne Wheeler au théâtre mais que son patriarche lui dit :

- “Non fiston, on n'amène pas des cassos ici, ça s'fait pas kiddo, c'est grave la honte devant tous nos potos là, t'es relou sérieux
- Ouais bah NTM, si c'est comme ça, je viens plus au théâtre moi !”.

Euh... mais encore ? Quid de toutes les problématiques liées à la lutte des classes ? Quid de l'amour impossible entre deux personnes dans un monde que tout oppose ? Quid d'un message de tolérance un peu plus travaillé ? Et surtout, quid du scandale lié à l'abandon d'une vie de la haute bourgeoisie par un homme blanco-blanc pour une femme trapéziste issue d'une minorité ? Autant vous dire qu'on reste sur notre faim...


Là où on croyait avoir sous les yeux le réceptacle de thèmes tels que celui de la différence, de l'acceptation de soi, du regard des autres, du rejet... on en a réalité la fade narration de la vie de P.T Burnam, ni plus ni moins. Je pourrais ne retenir que ce grand chapiteau vide où les apparences gouvernent mais en revoyant ce film à travers un nouveau prisme, cet fois-ci bien édulcoré, on parvient à l’apprécier à sa juste valeur.


Alors oui, ce n'est pas le scénario du siècle mais il faut rendre à Barnum ce qui appartient à Barnum à savoir, l'art et la maîtrise de vendre du rêve à quiconque assiste à son spectacle. Il saisit ces étincelles imperceptibles pour nous offrir un monde aussi captivant qu’envoûtant. Les numéros sont tous plus incroyables les uns que les autres mais surtout, tous ses petits amis freaks ont un sens du spectacle extraordinaire. Les chorégraphies sont prodigieusement entraînantes et les chansons merveilleusement intenses. De quoi nous donner envie de nous trémousser sur notre siège voire, pour les plus courageux d'entre nous, de les rejoindre sur scène et de s'égosiller avec eux. On pourrait s'épancher des heures sur le côté opportuniste et ingénieux de Barnum mais ce n'est pas ce que j’ai envie de retenir de ce film.


Il ne s'agit donc pas d'un film d'auteur, ni d'un film qui se veut plus profond qu'il ne l'est. Il s'agit d'une comédie musicale qui veut nous faire rêver et nous mettre des “paillettes dans les yeux !”. Pendant près d'1h45, on se sent pousser des ailes et on a l'impression que tout est possible grâce à cette énergie contagieuse qui se dégage de toutes les chansons et de toutes les danses.


Ce film est finalement à l'image de son sujet et de son personnage principal, il semble nous vendre bien plus que ce qu'il n'a à offrir. Une vaste fumisterie qui plait à qui veut bien se laisser entraîner. Ce n'est autre qu'un spectacle resplendissant et excentrique permettant à notre esprit de divaguer et de se laisser porter par ses musiques saisissantes, ses chorégraphies impressionnantes et ses personnages émouvants. Parce qu'après tout, “the noblest art is that of making others happy".


The Greatest Showman est, à mon sens, plus une fable qu'un véritable biopic. C'est une histoire magique prônant la tolérance et la bienveillance de manière assez naïve. Une œuvre certes inégale qui suscite toutefois un plaisir coupable de par son ardeur et son exultation contagieuses. En se prêtant au jeu, on s'évade volontiers, on balaie d'un revers de main notre réalisme, notre pragmatisme et autre scepticisme pour laisser ce monde merveilleux et léger bercer nos petites âmes tourmentées.

Nostige
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le 8 oct. 2019

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