Un bon film d'horreur à partir de la dissection d'un cadavre, faut le faire !

Tout a été traité en long et en large dans le cinéma horrifique qu’il n’est plus étonnant de voir des concepts aussi farfelus que grotesques apparaître sur le grand écran. Ainsi, avec The Jane Doe Identity, les préjugés allaient bon train. Surtout pour une énième histoire de frissons paranormaux, cette fois-ci causés par un cadavre peu commun, dans une morgue. De plus, avec un tel projet, il était également prévisible de voir des producteurs hollywoodiens s’accaparer les talents de metteur en scène d’un cinéaste étranger – ici, le norvégien André Øvredal, qui s’est fait connaître en 2010 avec le petit film The Troll Hunter – pour finalement livrer un banal produit de commande. Honnêtement, The Jane Doe Identity sentait ce genre de divertissement à budget réduit (à peine 2 millions de dollars) pour renflouer les caisses avec des spectateurs en mal de sensations fortes. Et ce n’est pas la citation promotionnelle du grand Stephen King (« Voyez-le, mais pas tout seul. ») qui aurait changé la donne. Mais contre toute attente, entre de petites productions lambdas, un Life bien plus efficace qu’effrayant, un Get Out plus creusé que terrifiant et un Alien : Covenant dont il n’est même plus la peine de descendre, The Jane Doe Identity se révèle être le premier véritable spectacle d’horreur de cette année 2017.


Pourtant, tout démarre de manière classique. Une simple présentation du cadre (la morgue) et des personnages principaux (un médecin légiste et son fils) suivi de l’élément perturbateur (l’arrivée du cadavre d’une femme non identifiée surnommée Jane Doe pour l’occasion). Jusque-là, rien de bien extraordinaire. D’autant plus qu’à partir de ce moment-là, le film révèle nettement le chemin qu’il va prendre : la dissection dudit cadavre. Sur le papier, rien de bien excitant pour attiser la curiosité du spectateur, avec le risque de meubler le film et de provoquer l’ennui. Et pourtant, c’est avec cette première partie que The Jane Doe Identity va y puiser sa force. D’une opération post mortem, le long-métrage livre un thriller en huis clos diablement prenant. Durant lequel les protagonistes, au fur et à mesure qu’ils procèdent à découper le corps, vont mettre à jour des caractéristiques peu communes. Des détails qui sortent de l’ordinaire. Cela n’a l’air de rien dit comme ça, mais on se prête au jeu avec beaucoup de facilité. Et plus on avance dans le film, plus le suspense augmente à un point qu’il est devenu impossible de se détacher de l’ensemble. L’ambiance (jeux de lumière, bande son…) est si maîtrisée et le gore jamais gratuit que la tension ne cesse de grimper, empêchant l’ennui tant redouté de pointer le bout de son nez.


Ensuite surgit la seconde partie du film. Celle où le thriller laisse la place à l’horreur. Où les phénomènes paranormaux se déclarent et l’aura mystique du cadavre atteint son paroxysme. Mais là aussi où The Jane Doe Identity y trouve ses défauts, inhérents au genre. Je pense notamment à des clichés (des situations déjà vues dans de précédents films), à une écriture simplette touchant principalement les répliques (« Tu sais pourquoi j’appelais ta mère mon soleil ? C’est parce qu’elle était mon rayon de soleil. ») et à des facilités d’effroi beaucoup trop gratuites et inutiles (aaaaaahhh, les fameux jump scares…). Et pourtant, malgré ces imperfections, le long-métrage maintient son rythme comme il faut pour tenir en haleine jusqu’à son générique de film. Son atmosphère si glaciale et tendue se perfectionne avec le choix du réalisateur d’en montrer le moins possible. En jouant à fond la carte des bruitages, des zones d’ombre et des champs/contre-champs, Øvredal parvient à effrayer avec le pouvoir de la suggestion (comme le faisait le premier Alien en son temps). Sur le papier, cela ne paye pas de mine. Mais l’efficacité d’exécution est au rendez-vous, rehausser par l’implication sans faille des deux comédiens principaux, talentueux de base.


Et enfin, une petite note pour finir cette critique, sur un point du film qui pourrait paraître anecdotique pour certains. Comme il était dit dans le premier paragraphe, The Jane Doe Identity n’avait nullement l’intention de réinventer le genre comme la trop grande majorité de ses congénères. Mais malgré ce constat, il parvient à nous prendre aux tripes en apportant un vent de fraîcheur par le biais de son postulat de base, tenant incroyablement la route. Une remarque que les scénaristes et le cinéaste ont voulu intégrer au climax (que je tairai ici, pour ne pas gâcher le plaisir du spectateur) en s’attaquant à un mythe urbain déjà traité maintes et maintes fois. Cependant, au lieu de prétendre le renouveler comme ils auraient pu le faire, ils décident juste de le gratifier d’une toute nouvelle intrigue avec cette histoire de mystérieux cadavre. Et ce sans perdre un seul instant la logique et la crédibilité de leur récit, ce qui est en soi un exploit. Par là, il faut entendre que The Jane Doe Identity, de par sa révélation finale, aurait pu tomber dans le grand n’importe quoi à l’instar d’A Cure for Life ; mais qu’il reste au-dessus de cela de bout en bout. Un exploit, surtout pour ce genre de film !


Le long-métrage a bien des facilités horrifiques qui peuvent le nuire. Mais le résultat dépasse bien des attentes, parvenant à livrer un divertissement sachant soigner sa tension et son atmosphère avec savoir-faire. Parvenant à provoquer l’effroi autrement que par des jump scares (le film serait même meilleur sans leur utilisation) et plus par un savoureux travail de la mise en scène. Bien loin d’un banal produit hollywoodien, The Jane Doe Identity est un véritable film d’horreur, arrivant à angoisser comme il faut. À vous rester en tête même après son visionnage. Certes, nous ne sommes pas au niveau d’un Conjuring, mais le résultat reste diablement oppressant et prenant pour marquer les esprits. Ne reste plus qu’à espérer que l’ensemble ne soit pas parasité par une suite, vraiment dispensable !

Créée

le 3 juin 2017

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