Le réalisateur américain Judd Apatow a su se faire connaître grâce à des comédies relativement célèbres telles que 40 ans, toujours puceau, Funny People ou En cloque : mode d’emploi. Cette année, il nous revient avec The King of Staten Island, un nouveau film également qualifié de comédie, mais qui promettait quelque chose d’assez différent.


Le film nous fait découvrir le personnage de Scott, 24 ans, vivant toujours chez sa mère, sans emploi, passant son temps à se défoncer et à ne rien faire avec ses amis. Le paysage dans lequel il évolue n’est pas très attirant, lui, le fils de ce pompier exemplaire qui a donné sa vie lors de l’exercice de son métier. L’héritage est lourd à porter pour le jeune homme, décrit comme pas franchement brillant, et dont l’ambition est d’ouvrir une enseigne associant restauration et salon de tatouage. Il est ce fils que l’on ne peut détester, mais dont on a un peu honte, surtout à côté de sa sœur qui suit une voie a priori exemplaire, s’apprêtant à entrer à l’université. Qu’aurait pensé ton père ? N’as-tu pas encore trouvé un travail ? Regarde ta sœur ! Voilà le genre de phrases auxquelles Scott, le grand enfant, est perpétuellement confronté. Que va devenir Scott ? Lui qui a ce rêve en tête mais en lequel personne ne croit, ne faisant qu’encourager sa procrastination maladive, réaction désespérée face à un manque flagrant de confiance en lui-même et de la part des autres, le poussant à toujours rejeter la faute de ses échecs sur les autres.


Mais Scott n’est pas un mauvais bougre, loin de là. Le spectateur découvre en lui un jeune homme certes instable et désorienté, mais, s’il semble parfois faire preuve de mauvaise volonté, il semble avant tout victime de la situation dans laquelle il se trouve. The King of Staten Island compose un tableau riche en personnages et en situations pour construire le portrait de Scott, un portrait plein de couches à illustrer et à examiner, pour dégager toute la richesse d’une personnalité. En effet, toutes les péripéties qui constituent le film ont pour effet de donner de l’ampleur au personnage, et aux autres personnages qu’il côtoie. The King of Staten Island est surtout un film de personnages, et c’est là sa principale qualité. Judd Apatow parvient à créer, écrire et donner vie à de vrais personnages, avec de la substance, et pleins d’humanité dans leur complexité.


Le film aurait pu être plein d’archétypes, développer des personnages aux traits de caractères préconçus, mais il parvient, au lieu de cela, à les étoffer progressivement, à montrer chez eux quelque chose de différent, leur accordant une véritable authenticité. The King of Staten Island le fait, comme dit auparavant, à travers de nombreuses péripéties, et c’est ce qui pourrait nous faire dire qu’il est relativement bavard, presque confus et répétitif par moments. Mais ces imperfections contribuent justement au caractère très humain du film et à son côté touchant. Il est cohérent avec ce qu’il exprime, et si l’on peut considérer que certains éléments ressemblent à des rajouts, ils présentent toujours un intérêt. Et tout cela fait de The King of Staten Island un film plein de vie.


Pete Davidson, issu de la scène et de la télévision, encore peu expérimenté en matière de cinéma, réalise une superbe prestation, aidée par l’aspect très autobiographique que revêt le film. C’est un film proche de ses personnages, et proche du spectateur, qui pourra y trouver des instants de vie, des souvenirs et des situations qui lui parlent. Judd Apatow parvient à maintenir un bon équilibre entre sérieux et moins sérieux, restant dans le registre de la comédie, en sachant toujours quand apporter du rire, et quand nous toucher au cœur. The King of Staten Island, ce sont deux heures pleines de vie, d’authenticité et d’humanité. Un beau film !


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 19 oct. 2020

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