La peur belle

Non seulement Robert Eggers est quelqu'un qui a su profiter des leçons de ses aînés mais il sait aussi s'entourer de techniciens hors-pair. Que ce soit la musique de Mark Korven ou le montage de Louise Ford, ou encore la photographie de Jarin Blaschke, rien ne laisse à désirer, tout contribue à l'ensemble avec la même force, la même intensité, la même implacabilité. Qui ne rêve pas de corne de brume après ce film ne peut qu'être sourd.
The Lighthouse est l'héritier direct de The Shining qui se serait mélangé les gènes avec The Fly de Cronenberg, Eraserhead de Lynch et le Nosferatu de Murnau (un film qu'Eggers songe d'ailleurs à reprendre, s'il faut en croire sa notice wikipedia).
Côté acteurs, défigurés puis transfigurés: Willem Dafoe continue son ascension vers les sommets de la mythologie. Ses injonctions rocailleuses et maléfiques sont à verser au dossier des grandes tirades du cinéma. Robert Pattinson devient adulte quasiment sous nos yeux; il était temps, et nous en sommes ravis pour lui (et ses fans, qui faisaient considérablement tomber la moyenne d'âge dans la salle d'art et d'essai où j'ai vu le film).
Bref, ceci n'est pas seulement un film qui nous conterait l'histoire de deux hommes abandonnés par l'humanité et sombrant dans la folie jusqu'à la transfiguration ultime. C'est aussi un récapitulatif de l'histoire du cinéma lui-même, une démonstration des raisons pour lesquelles le cinéma est et restera bel et bien un art et non un divertissement de masse, n'en déplaise aux Jojo Lucas, Tintin Quarantino et autres Wallou Disney qui ne sont que de piètres faiseurs, des marchands d'émotions faciles et des vendeurs de camelote auto-proclamés, à oublier d'urgence.

Du grand art.