Avant de démarrer cette critique, il me parait nécessaire de préciser au lecteur commençant ces quelques lignes que The Lost City of Z fut mon introduction à la filmographie de James Gray. Ainsi, mes excuses si je ne parviens pas à mettre le doigt sur une ou des thématiques récurrentes à son œuvre ou encore à des tics de réalisation.


L'attente fut longue mais j'ai enfin pu poser mes yeux sur The Lost City of Z. Mon expatriation en terres canadiennes m'a en effet empêché d'y avoir accès dans la mesure où il n'y est sorti que le 21 avril (soit la date de mon retour au pays) contre le 15 mars en France. Les critiques spectateurs et presse française n'ont pas manqué d'attirer mon attention et je craignais de ne pouvoir le voir en salle. Néanmoins, coup de chance ou non, il était encore à l'affiche à Lyon. Si j'ai décidé de vous raconter ma vie dans ces quelques lignes, c'est bien pour mettre en exergue mes attentes vis-à-vis du film. De là à dire que j'ai vu une montagne accouchée d'une souris, il n'y a qu'un pas.


Je pense avoir assisté à un bon film, ni plus, ni moins. Surtout "ni plus" à vrai dire. Mais commençons par les points positifs. Si la durée de 2h30 pourrait en rebuter certains, j'ai trouvé que le rythme était parfaitement géré et que le film est très agréable à suivre au point que l'on ne voit pas le temps passer. L'alternance entre scènes de dialogues ayant pour vertu d’approfondir les personnages et d'autres séquences faisant avancer l'intrigue peut paraitre un peu machinale mais il n'empêche que les premières réussissent toujours à distiller de nouveaux enjeux ou à amplifier ceux déjà présents de sorte à ne jamais faire retomber notre attention. Autre aspect qui nous pousse à river nos yeux sur l'écran: la beauté esthétique de certains plans. Si tout les plans du film ne sont pas à mettre sur un pied d'égalité, certains valent clairement le coup d’œil. Le choix de filmer en 35mm, ce qui devait déjà représenter un sacré challenge en terme de tournage dans la forêt puis de montage, est magnifié par le travail effectué sur la lumière. Si cela n'est pas sans rappeler la fin crépusculaire d’Apocalypse Now, avec un jeu d'ombres, de lumières et de végétations en arrière plan, The Lost City of Z n'en garde pas moins sa propre identité visuelle. On appréciera en outre le travail de James Gray sur la mise en scène, qui même en dehors des séquences ayant lieu dans la forêt, parvient à préserver une ambiance propice à la claustrophobie avec des cadres serrés, des gros plans ou tout du moins avec une économie de plans larges. Effort d'autant plus appréciable que la mise en scène se calque sur l'état d'esprit de son personnage principal, enfermé dans un premier temps dans son obsession de laver son nom puis par la suite dans celle de prouver à la Royal Geographical Society que cette cité perdue existe. Dernier bon point, je ne m'attendais pas à un travail aussi excellent de la part de Charlie Hunnam et sa performance vaut véritablement le détour: il y a une cohérence dans son jeu qui force le respect. On regrettera néanmoins une légère perte d'accent en fin de film. Le reste du casting joue également assez juste, si ce n'est peut être Tom Holland, qui en fait un peu trop.


Tout n'est malheureusement pas clair dans ce beau paysage. Mes principaux reproches vont à l'encontre de l'écriture. A mon sens, le scénario se déroule de manière beaucoup trop mécanique, comme s'il courait pour raconter une histoire se déroulant sur 23 ans en ne préservant que les moments les plus importants et signifiants: chaque scène a une fonction beaucoup trop évidente au sein du film, à tel point qu'il en ressort une certain hétérogénéité dans l'ensemble, comme si le film calait par moment. Je pense notamment aux séquences mettant en scène la femme du Major Fawcett, qui semblent toutes vouloir mettre en avant son progressisme et sa modernité. Par ailleurs, ces deux caractéristiques ne sont pas valables que pour ce personnage mais pour l'intégralité du film: j'ai ressenti que l’œuvre essayait désespérément de se donner bonne conscience alors que cela n'est absolument pas nécessaire, au point de quasiment nuire à l'histoire.


Exemple à l'appui: au retour de sa première expédition, le Major Fawcett doit faire face à l'ensemble de la Royal Geographical Society pour présenter ses découvertes. Nous avons alors droit à plusieurs plans montrant sa femme, présente sur un balcon au-dessus de l'assemblée aux côtés d'autres femmes, réclamer de se rendre aux côtés de son mari, ce à quoi on lui rétorque que l'étage inférieur est interdit aux femmes.


Cette poignée de secondes dans un film de 2h30 parviennent à jurer avec le reste de l’œuvre et cela semble se produire à chaque fois que le Major se trouve en présence de sa femme. Cela ressemble à une sous-sous-intrigue n'ayant pas sa place dans l’œuvre. Car après tout, le cœur du film est le Major Fawcett, et à certains égards, son écriture est elle-aussi assez déstabilisante. Néanmoins, je ne peux que reconnaitre qu'il s'agit sans doute d'une déception vis-à-vis de mon horizon d'attente. En effet, le film semblait me promettre un voyage au cœur de la folie d'un homme prêt à tout abandonner afin de mettre à nue une cité légendaire. Au final, à aucun moment je n'ai ressenti de véritable folie chez le Major Fawcett, il est au contraire assez raisonné et sa seule véritable obsession est de prouver sa valeur auprès de la RGS. Nulle folie car d'une part, il a des preuves tangibles qu'une civilisation était présente profondément dans la jungle (les fragments de poterie trouvés à la fin de la première expédition), puis d'autre part car


à la fin de la seconde expédition, lorsque ses camarades lui disent que c'est terminé en raison de leur manque de vivres tandis qu'il venait de voir de nouvelles traces de Z, il n'oppose aucune résistance.


Au final, j'ai vu un personnage progressiste et ouvert d'esprit, en avance sur son temps, simplement prêt à sacrifier sa vie de famille au profit de découvertes importantes pour l'humanité. Ce qui me parait plutôt convenu...


Pour conclure, je ne peux m'empêcher de recommander le visionnage de The Lost City of Z. En dépit de quelques impairs, le film se suit très naturellement et garde notre attention intacte tout du long de ses 2h30. La mise en scène est inspirée, la photographie impeccable et les acteurs sont dans le ton. On reprochera néanmoins l'aspect "course contre le temps" du scénario ainsi que le côté convenu de ses personnages. Je serais néanmoins curieux de voir la version de travail de 4h30 (que James Gray ne montrera jamais, malheureusement, il la trouve beaucoup trop ennuyeuse), histoire de découvrir si un peu plus de temps serait bénéfique au déroulement de l'intrigue.

remimazenod
7
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le 3 mai 2017

Critique lue 275 fois

Rémi Mazenod

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