James Gray est de toute évidence plus à l'aise dans la jungle des villes que dans celle de l’Amazonie, dans l'obscurité des quartiers new-yorkais que dans la pénombre des sous-bois, sur les grands boulevards encadrés de gratte-ciels que sur le fleuve cerné par les palétuviers géants. Son scenario l'oblige à ce décor puisqu'il traite de l'histoire réelle de Fawcett, un des plus grands explorateurs britanniques du 20ème siècle, qui consacrera sa vie à la découverte de la forêt amazonienne. Mais le fait est là, on ne retrouve dans la forêt de Gray ni l'âpreté de celle d'Herzog, (Aguirre, Fitzcarraldo), ni la folie de celle de Coppola (Apocalypse Now), ni la magie mystique de celle de Ciro Guerra (le récent et magnifique L'Étreinte du serpent). Non, la jungle de The Lost City of Z manque à la fois de profondeur et de mystère. On sent que le réalisateur compose avec ce décor imposé mais que son intérêt est visiblement ailleurs.
Côté péripéties, ce n'est pas ça non plus. James Gray ayant pris le parti de raconter l'histoire de Fawcett sur une trentaine d'années, ce choix l'oblige en quelque sorte à expédier certaines étapes qui font habituellement la force du film d'aventures, notamment la présentation des personnages secondaires et leurs liens avec le personnage principal. Gray n'a visiblement pas le temps pour ça et par conséquent on peine à s'attacher aux compagnons de Fawcett à défaut de cerner leur psychologie. Les péripéties surviennent malgré tout puisque Fawcett les a réellement vécues ( l'attaque sur le fleuve...) mais cela relève plus du cahier des charges que d'autre chose. Finalement, on se fiche pas mal de ce pauvre gars qui finit boulotté par des piranhas, on n'en savait pas suffisamment sur lui pour s'émouvoir de son sort. Non, décidément le réalisateur veut nous parler d'autre chose.
Ce qui a intéressé James Gray, c'est la question du désir. La seule finalement qui passionne ce réalisateur de film en film. Ce désir qui saisit Fawcet et ne cessera de le consumer. Ce désir de la jungle qui ne le lâchera plus. Celui qui l'éloignera presque contre son gré d'une épouse formidable, de deux enfants qu'il ne verra pas grandir et d'un confort social assuré. Celui pour lequel il aura les pensées les plus profondes lorsque livré à la folie des combats de la guerre 14/18 il tâchera de trouver une échappatoire à la boucherie dont il est le témoin. C'est l'exploration de ce désir tenace, de cette obsession absolue, de ce besoin vital de partir qu'aucune force ne peut retenir qui est remarquablement bien mise en scène par James Gray.
Alors on regrettera peut-être de n'avoir pas vu le film d'aventures que l'on pouvait espérer mais on appréciera ici ce que le réalisateur américain sait faire de mieux : l'exploration des passions et des tourments humains.


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 7/10
Mise en scène/réalisation : 8/10


8/10

Theloma
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Lost in translation ?, Une affiche à l'image du film, Les meilleurs films de 2017 et Mon top 1000

Créée

le 13 mai 2017

Critique lue 380 fois

11 j'aime

2 commentaires

Theloma

Écrit par

Critique lue 380 fois

11
2

D'autres avis sur The Lost City of Z

The Lost City of Z
Vincent-Ruozzi
7

Uncharted

Avec six films à son actif en vingt-deux ans de carrière, James Gray est un réalisateur qui sait se faire désirer. Dans The Lost City of Z, Gray abandonne la jungle New-Yorkaise qu’il connaît si bien...

le 19 mars 2017

102 j'aime

12

The Lost City of Z
Antoine3
5

Ils avaient de belles fesses ces indiens

Je sors à l'intant du cinéma, que dire mis à part que c'était fort long pour ce que c'était. Je m'attendais à une belle aventure dans la jungle, à des découvertes d'anciennes civilisations, à trouver...

le 15 mars 2017

83 j'aime

7

The Lost City of Z
boulingrin87
3

L'enfer verdâtre

La jungle, c’est cool. James Gray, c’est cool. Les deux ensemble, ça ne peut être que génial. Voilà ce qui m’a fait entrer dans la salle, tout assuré que j’étais de me prendre la claque réglementaire...

le 17 mars 2017

80 j'aime

15

Du même critique

Us
Theloma
7

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

le 21 mars 2019

107 j'aime

33

Ad Astra
Theloma
5

La gravité et la pesanteur

La quête du père qui s’est fait la malle est un thème classique de la littérature ou du cinéma. Clifford (Tommy Lee Jones) le père de Roy Mac Bride (Brad Pitt) n’a quant à lui pas lésiné sur la...

le 18 sept. 2019

97 j'aime

55

Life - Origine inconnue
Theloma
7

Martien go home

Les films de série B présentent bien souvent le défaut de n'être que de pâles copies de prestigieux ainés - Alien en l’occurrence - sans réussir à sortir du canevas original et à en réinventer...

le 21 avr. 2017

81 j'aime

17