The Lunchbox, premier long métrage de Ritesh Batra, est une romance qui se déroule à Mumbai, mais son style est plus Hollywood que Bollywood, et j'oserai dire même Old Hollywood : si vous avez aimé « Vous avez un message », lequel est déjà inspiré par le « rendez-vous » de Lubitsch en 1940, vous ne devriez pas être dépaysés.


Les dabbawallas de Mumbai, ou livreurs de repas, sont reconnus pour leur efficacité dans le transport des repas chauds des ménages vers le lieu de travail. Le film part de l'incident déclencheur totalement improbable qu'un livreur se trompe de destinataire.


Bien que le film ait été tourné sur place dans la ville animée et moderne, avec un étrange naturalisme un peu « studio ère américaine », le rythme est mesuré, retenu, classique d'un romance des années 40 ou 50. La comédie est plus ironique que bruyante, le mélodrame est discret : on est loin des feux d'artifices indiens habituels.


Irfan Khan est veuf, il travaille dans une étude comptable, une sorte de cour des comptes à l'Indienne. A partir d'un beau joru il commence à recevoir chaque midi par erreur une Lunch Box qui vient de Ila, une femme au foyer négligée par son mari.
Ainsi commence une amitié épistolaire qui est rassurant de par son anonymat et cathartique pour les deux âmes de plus en plus solitaires.


Bien qu'elle repose sur une coIncidence assez fragile, l'histoire explore les vies intérieures de Ila et Saajan alors qu'ils naviguent leurs propres désillusions. C'est avec patience que le film présente l'histoire passée des personnages, rendant au spectateur toute la pudeur de la situation : Ila développe lentement la force de surmonter la peur du changement dans sa vie, Saajan recrée des liens avec son entourage après s'en être exclus après la mort de sa femme.


The Lunchbox est surtout une observation attachante du pouvoir de la vie à sans cesse vouloir reprendre ses droits, se revitaliser. Ici la nourriture déclenche la communication et, partant, la confidence. Comme Saajan explique à Ila, "Vous me laissez dans vos rêves et je veux vous remercier pour cela" C'est cette générosité qui permet au film d'éviter les pièges de bien des récits conventionnels.


Comme Dans My Blueberry Nights ou Lost in Translation, l'intimité platonique de la relation centrale est construite sur l'émancipation personnelle en évitant pathos et codépendance. Batra réduit la matière romantique à son expression la plus sage. Ses personnages prennent des décisions qui vont dans le sens de ce qui est mieux pour eux-mêmes sans préoccupation pour les canaux lacrymaux de l'auditoire, et le film offre ainsi un dénouement rafraichissant, qui reste fidèle aux motivations et aux valeurs morales que nous percevons des personnages.

MarcoSerri
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le 30 nov. 2014

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