The Man from Earth par Antevre
Le huis-clos. Un parti pris aussi rare que prestigieux. Un exercice de style qui demande d'en avoir dans le pantalon, et d'être certain de créer une ambiance qui nous emmène loin du simple cadre et des quelques acteurs qui nous sont imposés. C'est difficile. Et The Man From Earth, s'il sonne parfois creux, s'en sort... presque.
C'est l'histoire d'un type qui quitte tout ce qu'il a, ses amis, son job, sa ville, sa maison, et tous ses meubles, du jour au lendemain, sans explication. Ses amis, profs comme lui à l'université du coin, se réunissent chez lui le jour de son départ pour commémorer, mais également pour essayer de comprendre. John Oldman leur révèle alors son grand secret : il est âgé de plus de 14 000 ans, ne vieillit pas, et change de vie tous les 10 ans pour que personne ne découvre la vérité...
... rire, colère, inquiétude prennent alors les convives. Leur ami est-il fou ? Se moque-t-il d'eux ? Ils s'interrogent, et l'interrogent lui par la même occasion, tentant de l'acculer, de trouver un défaut dans sa cuirasse et de mettre au jour la supercherie.
Bon. Très bonne idée de base, au fond. Malheureusement pas toujours bien servie par le scénario et les acteurs. Déjà, moins de trente secondes après la révélation, un de ses amis (le genre à pas prendre du tout la vie au sérieux, il se tape des étudiantes et se moque de tout) pète un câble, parle de trahison, d'amitié trompée, alors que merde, le mec, il leur a juste demandé de faire semblant d'imaginer comment ça se passerait s'il était un homme des cavernes. Cette première réaction n'a pas la moindre crédibilité. Qu'on en vienne là, assez vite même, d'accord, je veux bien, mais comme première réaction, venant de ce personnage, ça ne prend pas. Cet exemple est assez symptomatique de l'ensemble, et dévoile un scénario simpliste et des caractères bien trop superficiellement esquissés, on a à peu près tous les ingrédients habituels du huis-clos, sans pour autant que ça marche aussi bien : le colérique incrédule jusqu'à la fin, le mec très philosophe et ouvert qui fait avancer le débat (black à béret, bien sûr, pour aller encore plus loin dans le cliché à 3 francs) le béni-oui-oui dont la famille représente toutes les confessions existantes et qui sert à rien, la catho fondamentaliste qui fait la méchante parce que sinon ça manque de méchants, le mec qui vient de perdre un proche et qui te le balance à la gueule... Peu original. Et parfois peu cohérent, ainsi le John il va leur faire une révélation choquante en rapport avec le catholicisme, et la catho elle bronche pas, elle râle bien un peu, m'enfin le mec c'est un pote et il semble se moquer ouvertement de sa foi, de son éducation et de sa culture, ça mérite un peu plus que quelques molles protestations du style « c'est pas possible je te crois pas », non ? Et puis, bon, le film finit par tourner justement autour du thème précis de la religion, et l'on sent bien que c'est central dans l'histoire, et le message c'est : « finalement ce qui compte dans la religion c'est pas l'emballage, c'est le message, peace mon frère aimez-vous les uns les autres ». Je peux concevoir que ça puisse choquer quelques extrémistes, qu'ils soient athéistes moralisateurs ou croyants fondamentalistes, mais euh pour moi, pour la plupart des gens, c'est tellement l'évidence que je trouve ça ridicule de présenter ça comme une révélation. No shit Sherlock ! Tout ça c'est métaphorique ? Moi qui croyais vraiment que Jésus avait des pouvoirs télékinétiques en tous genres, je suis profondément déçu. Je sais pas, ça peut peut-être sembler révolutionnaire aux States (quoiqu'en 2007, j'ai un peu des doutes quand même), mais là, maintenant, j'ai du mal à voir la portée du truc. Ca sent le pédantisme de gare et le réchauffé, en fait. Et le final... please ! C'est carrément pas original, j'ai déjà vu ça plein de fois ailleurs. D'autant plus que le tout dernier événement du film, non seulement n'est pas original, mais ne dégage pas non plus particulièrement de sens et est cruel pour rien.
Bref. Le scénario a l'air baroque, amusant, improbable, mais il n'est qu'un ramassis de stéréotypes dopé à de la philosophie d'école maternelle et agrémenté d'un aspect didactique amusant, mais d'après certains, pas toujours d'une exactitude irréprochable. On en revient toujours à la même question de base, formulée de façon bien approximative, sur la condition humaine. En fait, on sent le film produit à destination des classes de philo niveau collège, un peu comme du Schmidt par exemple.
Pour le reste, la réalisation n'est pas épurée, mais simpliste, les plans sont génériques et les couleurs sont moches. La musique est sympa, par moments, mais les acteurs sont loin d'être toujours justes.
Finalement, on vient appâté par le pitch, et puis on attend que ça décolle. Puis on se tape des bondieuseries sans âme, et puis c'est fini. Wow. C'est pas une totale déception non plus, ça se laisse regarder, mais c'est vraiment pas transcendant. Dommage. Avec ce pitch, en huis-clos (ou non, d'ailleurs), ça aurait pu être vraiment marrant.