Pourquoi ce film a une gueule d'atmosphère (besttosee)

Portés par des plans à l'esthétique cruellement parfaite à l'image de l'univers qu'il dépeint, c'est dans l'atmosphère à la fois violente et sublime qu'il nous offre que réside tout l'intérêt de ce long-métrage des plus déroutants. Kaléidoscopal et vertigineux, celui-ci nous livre une critique virulente sur l'univers de la mode et l'importance que notre société accorde au paraître tout en réussissant à s'imposer et à assumer en tout premier lieu son identité en tant que proposition artistique.


Si le topic nous est donc plus que familier - l'histoire d'une jeune fille rêvant de devenir mannequin perd bientôt toute prise avec la réalité et se voit confrontée au monde cruel de la mode- la manière dont le réalisateur nous confronte à cet univers est brillante.


Le point de vue interne tenu presque totalement durant la première moitié du film nous fait découvrir avec réalisme la cruauté mais néanmoins l'envie et la vibrante attirance de l'héroïne pour l'univers de la mode. Tel un papillon de nuit attiré par la lumière d'une ampoule, elle est happée inexorablement par la lumière artificielle des néons d'un univers élitiste porté par des règles arbitraires. Endossant à part entière le rôle d'une beauté froide, l'héroïne trouve dans le mannequinat l'ultime moyen d'avoir une emprise sur les autres et sur sa vie, chose qu'elle n'a jamais pu avoir dans sa vie passée. Déboussolée, la jeune fille semble ne pas vouloir créer de liens véritables avec les autres (cf son passé). Les plans s'enchaînent donc nous montrant la vivacité des flashs des appareils photos, des jeux de lumières en soirée mimant le rythme effréné des modes par essence éphémères et vouées à une mort imminente et certaine. Ceux-ci alternent avec des plans d'une rare intensité où la tension du film semble palpable et monte crescendo. Une atmosphère pesante et fébrile se fait ressentir. Un drame se noue mais quel en sera le dénouement ? Le désir de l’héroïne d'être au centre des regards et de susciter le désir et l'envie auprès de tous et toutes tout en restant inaccessible va lui créer des ennuis.


Film résolument moderne et absolument hypnotique, le réalisateur fait néanmoins un choix que je regrette à titre personnel mais comprend parfaitement. Celui-ci va au bout de son histoire en dévoilant de manière très visuelle la folie de l'univers qu'il dépeint. Ainsi l'inhumanité et la rivalité des professionnels de l'univers de la mode, la force auto-destructrice portée par ceux qui le composent recherchant vainement une beauté parfaite illusoire conduit le réalisateur à intégrer explicitement dans son intrigue des faits de cannibalisme. Ainsi, je l'avoue, j'ai du détourner mon regard de certaines scènes. Afin de servir au mieux le fonds, la forme aurait pu être plus évasive et suggérer pour mieux toucher. (je pense notamment à la scène du bain). Cependant, la violence du film reflète donc, par ce parti-pris, la violence sans fard de cet univers. Pour une fois, les images crues sont implacables de vérité et de profondeur. La vacuité de l'univers de la mode, la solitude des individus qui gravitent et forment cet univers contrastent avec la brillance des couleurs, la multitude des flashs, la surabondante exposition du sang.


En bref, ce film s'impose avant tout comme une création à l'esthétique très travaillée. Tranchant de subjectivité assumée et revendiquée, ce long-métrage laisse cependant aux spectateurs la richesse des possibilités d'interprétation des détails oniriques et motifs symboliques, Le spectateur est plongé dans un monde d'illusions et de beautés mortelles. Ames sensibles s'abstenir.

besttosee03
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le 3 juil. 2016

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