• Revu en juin 2014 :
Difficile de se lasser de The Raid qui est, en quelques mois, devenu un monument incontournable du film d'action, et surtout du film d'arts martiaux. Monument à l'image de l'immeuble rempli de sbires assoiffés de sang que l'escouade de flics indonésiens doit affronter. Hormis quelques passages plus amorphes, The Raid s'exécute au coup de sang, rythmé par les poings dans le bide et les pompes dans la gueule, les défenestrations et les décapitations à la sauvage, les os broyés et les chairs tuméfiées. La réalisation ultra-dynamique qu'impose ici Gareth Evans entraîne le spectateur dans 90 minutes de pure folie. On a rarement vu de telles chorégraphies, et surtout avec une telle violence assénée. Si les actions sont diversifiées et mises en scènes dans autant de pièces différentes qu'il y a d'appartements dans ces quinze étages, de tapisseries aux couleurs variées et d'un mobilier illimité juste là pour faire mal, toutes se soldent avec la même issue : repeintes par le sang et jonchées de corps disloqués.

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• Critique du 20 août 2012 :
The Raid, c'est le film qui avait tout l'air d'un bon gros nanar sur sa première bande-annonce. Des affrontements à n'en pas finir, un chef mafieux caricatural, un casting d'Indonésiens qui renvoie aux stéréotypes des productions bas coûts, et de la surenchère un peu partout. Et puis il y a eu ce buzz. The Raid était devenu, en l'espace de quelques projections, le nouveau porte-étendard du film d'action. Déjà culte et à peine sorti, The Raid se targuait d'une réception dithyrambique, avec un joli "-16" inattendu de la part de la commission de classification. Mon intérêt était attisé, je devais voir ce film.

Si je n'étais guère enclin à me pencher dessus de prime abord, c'est surtout parce qu'on avait déjà eu une version française du même tenant avec La Horde, les zombies en plus, mais ça avait résulté en une débâcle de gaucherie et de nullité affligeante. Mais, ce qui sort indéniablement The Raid du lot, c'est l'homme derrière la caméra : Gareth Huw Evans. Réalisateur gallois qui a préféré tenter sa chance en Indonésie, il s'est déjà fait remarquer avec un premier long-métrage (Merantau) où le silat - art martial indonésien - dominait à travers l'acteur Iko Uwais, également présent à l'affiche de ce nouveau film.

Le jeune gallois pose ainsi une réalisation nerveuse, et détonante, preuve d'un maniement de caméra exemplaire qui se veut constamment orientée selon l'angle de vue le plus adéquat. Les affrontements n'en deviennent que plus impressionnant tant ils sont sacrément bien capturés par la lentille. En outre, les travellings ont la pêche, et les gros plans transpirent de fébrilité. Les ralentis et séquences plus lentes dans leur dynamique ne sont pas non plus exempts et se parent d'une certaine touche artistique. Car si la photographie est très brute, viscérale, elle se montre également soignée en profondeur pour harmoniser les différents plans. Certains décors, sûrement aidés par le numérique, semblent ainsi "lissés" et confèrent par moments un aspect irréel à la pellicule, comme si certains personnages avaient dépassé leur niveau de réalité. Caractéristique du film, ce style était déjà bien introduit par le talent de Gareth Evans à présenter ses séquences au spectateur, et garder son intérêt en agençant ses différents plans de façon à toujours créer la surprise - proposer de la nouveauté vis-à-vis d'autres scènes similaires plus en avant dans le film. Son style de réalisation est fait pour ce genre d’œuvre, toujours bien cadencé pour ne jamais ennuyer.

Pas simple quand le lieu du spectacle n'est qu'un building qui s'élève sur 15 étages, emprisonnant les personnages dans des suites de couloirs labyrinthiques qui font monter la claustrophobie au fur que le haut de l’immeuble se rapproche, l'étau se resserrant autour d'eux. Qui plus est, l'on passe des premières pièces tapissées et meublées à des étages vides, dépouillés, suintant le béton morne, symbole d'emprisonnement. La pièce - déguisée en cellule mortuaire - d'un des affrontements finaux permet d'atteindre une tension extrême, surtout avec les chorégraphies hallucinantes des acteurs dans leurs combos et prises.

The Raid m'a, par moments, vraiment rappelé la production coréenne The Man From Nowhere, tout autant pour cette volonté d'esthétique visuelle et cette enchaînement de sauvagerie sans réel temps mort. On pourrait considérer la pellicule indonésienne comme la version turbulente de ce dernier, qui s'épanchait davantage sur la construction d'une histoire. Tandis que The Raid rentre dans le tas en 5 min chrono. Le scénario est basique, très simple ; l'on n'est pas là pour perdre n n'est pas là pour perdre son temps en blabla. L'équipe d'intervention à quinze étages à balayer pour choper le grand baron de la drogue, lui a une armée de pantins assoiffés de sang à son service. Pas de sentiments, pas de faux semblants, ça cogne comme ça respire et ça tape pour cabosser. Les chairs éclatent, les têtes vacillent, et les coups fondent sans poser des questions. Même les enfants ne sont pas épargnés. Couteaux, haches, chaises et toute arme potentielle du mobilier, ou bien tir à bout de portant pour exploser le crâne, rien n'y échappe ; et ce monolithe de 15 étages impassible de l''extérieur, dégouline en fait d'un sang poisseux à l'intérieur, alors que les corps s'amoncellent.

The Raid propose des séquences d'action qui prennent aux tripes, parfois de longues minutes durant sans une once de dialogue, où seules s'expriment les mains implacables des protagonistes. Sa mise en scène exquise libère des corps à corps très crus, dont le naturel et la sauvagerie de certains mouvements éclatent à la gueule du spectateur. L’ambiance est sauvage, et les chorégraphies impressionnantes font exploser les coups en boulets de canon, et brisent les os avec la magnitude d'un séisme, pour peu que vous ayez poussé les basses.

Fort d'une action omniprésente, voire oppressante, le film accueille également des scènes bien moins vitaminées mais toutes aussi accablantes. Au milieu de cette cadence dévastatrice, ces séquences tendues semblent parfois se dérouler au ralenti, avec une intensité toujours stimulante. Le classique de la planque dans les toilettes, la tension qui règne dans l'obscurité, où le premier face-à-face entre Mad Dog et Jaka, tout autant de scènes qui gonflent la nervosité avec des lignes de basses venant à saturation. Mêmes certaines ritournelles attendues sont complètement déjouées par Gareth Evans.

Quant aux acteurs, ils fournissent déjà un effort considérable dans les séquences d'arts martiaux réellement époustouflantes de technique. Et, sans compter la cinquantaine, sinon plus, qui n'ont même pas deux minutes d'écrans avant de retapisser l'immeuble, il reste vraiment cinq personnages principaux, en plus du "héros". Le chef malfrat, ses deux bras droits, le lieutenant ripoux de la police, et le sergent qui mène les forces de l'ordre. Notre protagoniste (Rama), lui, n'est qu'un simple membre de l'équipe d'intervention. Il n'y a pas de jeu d'acteur flagrant, à moins de considérer leur aptitude à faire parler leurs phalanges car les mots ne sont pas nombreux. On trouve aussi un peu de fond chez Rama, campé par Iko Uwais, mais brièvement, et tant mieux car ce n'est pas ce que l'on recherche. Le caractère et l'attitude du "Mad Dog", toujours à vouloir montrer sa supériorité de façon "honorable", sont également des plus plaisants et offrent des excuses pour les meilleures scènes du film.

Pas de film d'action qui se respecte sans une bande-son qui envoie. Mike Shinoda, MC et compositeur du célèbre groupe Linkin Park s'est chargé, avec Joseph Trapanese (qui avait collaboré avec Daft Punk sur l'orchestration de la musique de Tron: Legacy), d'écrire la trame sonore pour The Raid. Jonchée de thèmes vifs et explosifs, aux tempos Electro urbains qui siéent on ne peut mieux aux séquences de castagne dans cet environnement de béton glacial, la BO dévoile également des textures ambiantes sombres et prenantes pour les quelques passages de cheminement, et bien sûr, les moments de nervosités bien fournis en basse détonante. Une cadence qui s'adapte au rythme du film et captive avec ses alternances de percussions musclées et organiques, de nappes industrielles fébriles, et mêmes quelques cordes orchestrales plus épiques sur le climax.

Gareth Evans, en prenant les commandes de ce film indonésien, signe, deux ans après Merantau, une nouvelle œuvre de qualité où domine la mise en scène enivrante de cet art martial typique du pays. Il va encore plus loin avec The Raid et marque vraiment d'une empreinte identitaire le paysage du genre par ce film d'action qui délivre un potentiel supérieur aux attentes. À noter que le film Berendal, qui en sera la suite, a été développé avant que l'idée de The Raid ne lui vienne à l'esprit et se déroulera sûrement en prison. Une bonne occasion de voir si Gareth peut encore surprendre son audimat et se surpasser.
AntoineRA
8
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Créée

le 19 août 2012

Modifiée

le 23 août 2012

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AntoineRA

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