Iñárritu serait, d'après les dires de certains, le meilleur réalisateur d'Hollywood actuellement.
Mais sur quoi au juste se base-t-on pour affirmer cela ? Peut-on vraiment juger de la qualité d'un réalisateur au nombre de nominations de ses films aux Oscars et autres Golden Globes ?
Si oui, Leo et sa tardive récompense seraient la parfaite illustration d'un acteur surexposé et surestimé au regard de son talent. Or, qui se risquerait à soutenir que Di Caprio est un mauvais acteur ? Moi pas en tout cas.


Quoi qu'il en soit, The Revenant est le septième film du mexicain, sorti un peu plus d'un an après Birdman, exemple symptomatique du sacre de la forme sur le fond. En effet, ce dernier faisait preuve d'une technique irréprochable et de choix de mise en scène audacieux, au prix d'un scénario rachitique et d'une profondeur toute relative. Tout cela faisait qu'on se retrouvait à la fin de la projection à ne pas trop savoir quoi en penser, entre bluff et déception.


J'ai parlé à l'instant du sacre de la superficialité (ça n'est pas en soi péjoratif), mais c'est à vrai dire The Revenant qui en est le meilleur représentant. Je sais que ça n'est pas l'avis majoritaire, alors je vais devoir m'expliquer.


Comme dans Birdman mais plus encore, la mise en scène et les images sont splendides. Le parti pris dans la réalisation est non seulement original, surtout durant la première demi-heure, mais il est en plus immersif. Nous sommes avec les personnages, dans leur univers. Nous avons froid comme eux, nous partageons les mêmes craintes, douleurs, et courts moments de joie.
Un bémol à cela : le souffle de Leo qui vient se déposer à deux reprises sur la caméra, brisant instantanément l'immersion qui passait par les images et, paradoxalement, par la proximité qui se créait sans échange direct avec le spectateur. Or, les effets de souffle froid venant lécher l'objectif ont beau être réussis, ils sont surtout complètement hors de propos.


Comme dans Birdman mais plus encore, les acteurs sont bons. Enfin... pas tous de la même manière. J'ai adoré Domhnall Gleeson dans About Time, parce que le personnage convenait parfaitement à l'acteur. Dans The Revenant, c'est une autre histoire. Il manque à la fois de profondeur (un symptôme global à bien des niveaux dans le film) et de crédibilité. C'est certainement un avis personnel, mais ça m'a gêné et un tantinet bloqué dans l'immersion du film, elle plutôt très bien réussie par ailleurs comme j'ai pu le dire plus haut.
Leonardo Di Caprio fait le job, pas grand-chose à dire là-dessus. Il ne méritait clairement pas un Oscar pour son rôle de The Revenant, mais il fallait bien un jour qu'il l'obtienne. On notera tout de même que c'est une vraie victime : il passe son temps à prendre, encore et encore. Pauvre Leo...
Il y a un troisième acteur sur lequel je souhaite revenir, en lien direct avec le titre de ma "critique" : Tom Hardy. Ce ne peut-être que moi, mais si j'avais assisté à la séance les yeux fermés (c'est idiot vous me direz...), j'aurais juré qu'il s'agissait de Matthew McConaughey. Le même jeu globalement, le même accent texan. Et avec les yeux ouverts, ça n'est pas mieux : le même regard qui se perd et se veut profond, torturé. En somme, Hardy joue vraiment bien et mérite pour le coup son Oscar, et ça n'est pas étonnant puisqu'il calque son jeu sur celui d'un sacré bon modèle en la personne de McConaughey.


Comme dans Birdman mais plus encore, les effets spéciaux sont sympa.
Comme dans Birdman mais plus encore, le film a des longueurs.
Comme dans Birdman mais plus encore...


Bref vous l'aurez compris, j'ai beaucoup comparé The Revenant au précédent film d'Iñárritu, à dessein. Ce n'est pas à dire que les deux soient similaires, pas du tout même. C'est davantage parce que c'est là l'expression d'un choix artistique de la part du réalisateur : privilégier très clairement la technique sur le scénario. Et comme le montrent les anaphores que j'ai choisies, elles aussi à dessein, ce choix est encore plus saillant dans The Revenant. Clairement, Iñárritu veut imposer son style, sa marque. Ça peut être une bonne chose mais ça n'était pas forcément nécessaire. Babel et 21 Grammes, pour ne citer qu'eux, avaient un parti pris beaucoup moins marqué mais cela ne les empêchait pas pour autant d'être deux très bons films. Pourquoi ? Parce qu'il y avait un fond, justement. Il y avait un propos, un thème clairement défini et traité, un scénario qui globalement se tenait, avec cohérence et rebondissements.
Tout cela, c'est fini. On s'en tient maintenant à une réalisation certes impressionnante, belle, magique, mais pour mettre en scène 3 pages de scénario à tout casser. Et c'est vraiment dommage...


Monsieur Iñárritu, à trop chercher la différenciation, on se perd soi-même. Sachez que l'anti-conformisme est un conformisme.

ArthurGuigal
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le 6 mars 2016

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Arthur Guigal

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