Critique - The Revenant

Alejandro González Iñarittu nous livre avec "The Revenant" un film particulier, qui ne vous laissera pas indifférent. Certains verront dans ce long métrage un chef d'oeuvre, d'autres un acte manqué. L'histoire qui nous est proposée est fondée sur celle du trappeur Hugh Glass. Attaqué par un ours, ce dernier doit faire face à l'imperturbable John Fitzgerald, capable de commettre des actes affreux pour protéger ses intérêts. S'ensuit alors une longue aventure pour le trappeur, animée par le désir de vengeance de son fils. Leonardo DiCaprio et Tom Hardy portent sur leurs épaules l'essentiel du film, avec des prestations exceptionnelles. On ressent la tension lorsque les Indiens débarquent et menacent la survie des trappeurs, la douleur ressentie par les protagonistes est palpable, avec des séquences à couper le souffle - notamment la première, particulièrement haletante. Hardy, pourtant personnage secondaire, impressionne et assume son statut de star montante du cinéma. A la fois inquiétant et fascinant, son personnage remet en cause la notion de morale lorsqu'il s'agit de purement sauver sa peau. Le style d'Iñarritu prend ici tout son sens, sa réalisation très contemplative laisse parler les images. Cela n'est pas un problème : sa performance technique est remarquable, et les plans-séquences du directeur sont de purs moments de plaisir. Cependant, on peut reprocher à "The Revenant" un rythme trop lent, avec certains moments plus discutables que d'autres. Le défi que s'est imposé le réalisateur en tournant dans les mêmes lieux fait la part belle au jeu d'acteur, mais ne permet pas de nous tenir en haleine pendant 2H30. Le scénario est très simple, cela représente un véritable tour de force de réussir à produire un film aussi abouti, en filmant des hommes et des paysages. Parce que le principal intérêt de "The Revenant", c'est l'importance des acteurs par rapport au reste. Le duo Iñarritu/DiCaprio fait des merveilles, le premier réussit à magnifier chaque expression faciale du second pour mieux rendre compte du calvaire dont il est l'objet. Le travail sur le son est aussi à souligner : bien que minimaliste, il nous plonge en parfaite immersion avec une terre hostile, sur laquelle la nature reprend ses droits sur l'humain. Un point d'orgue est donné à cet environnement qui va inlassablement pousser Hugh Glass dans ses derniers retranchements (animaux, hommes, nature), pour notre plus grand plaisir. Attention toutefois à la surenchère, avec laquelle ce film flirte à certains moments. A contrario, cela délivre des moments de toute beauté : le trappeur en question ne cesse de trouver de nouvelles façons de prolonger sa survie, et ce par tous les moyens (la sieste dans un cadavre de cheval est mémorable). Iñarritu propose avec "The Revenant" un film décapant, bien épaulé par des acteurs habités par leur rôle. Ce nouveau bijou du directeur oscarisé de "Birdman" assure un bon moment de cinéma, mais ne dépasse pas nos espérances. Quoi qu'il en soit, cela prouve que de grands réalisateurs continuent de proposer un travail remarquable, ce qui est de bon augure pour cette année 2016.