Dès les premiers instants, une voiture perd le contrôle pour s’échouer après un accident à vive allure. Un monde en chute libre. Après un séduisant Animal Kingdom, David Michod récidive avec son deuxième film The Rover qui nous plonge dans un monde post apocalyptique austère et fascinant. The Rover est un bloc, d’une unité jusqu’au boutiste, et d’une puissance visuelle étourdissante. Le réalisateur australien continue son périple s’intéressant à la sécheresse des rapports humains où tous les coups sont permis. The Rover est encore plus aride, plus nihiliste que son prédécesseur, tout en gardant les mêmes thématiques, notamment la définition et la loyauté de la famille dans un monde hostile. The Rover ne s’alourdit pas d’un scénario compulsif et blindé de rebondissements. Le pitch est simple. Buvant un verre dans un bar miteux, Éric se fait voler sa voiture par une bande de truands. Son seul et unique but, sera de la retrouver.


On ne sait pas grand-chose sur cet homme et de ses intentions. Il est le miroir de l’environnement caressé par David Michod. Suant sous un soleil de plomb, crasseux, s’écroulant sur des terres désertiques, l’humanité y est presque inexistante. Il y a une impression de fin du monde, un futur impossible, une désagrégation palpable. Une arène fermée sur elle-même, où il ne reste que des combattants. Survivre est le maître mot. La foi dans la l’humain a disparu, délaissée de tout espace-temps. Éric est prêt à tout pour retrouver sa voiture, pour quelle raison ? On ne le sera qu’à la fin. La force de The Rover est son atmosphère étouffante amorcée par une mise en scène d’une précision méticuleuse. David Michod perfectionne chacun de ses plans, offrant quelques moments d’une intensité rare et pleine de sens. A la fois contemplatif mais foudroyé par quelques excès de violence bien sentie, The Rover dépeint un monde morne, un presque mort-né, qui s’effrite de l’intérieur.


David Michod se laisse bercer par sa contemplation nihiliste et esthétisante, offre quelques rencontres foutraques et menaçantes (chez le médecin, les militaires).Payer ou mourir. Il n’y a loi ni règle ni morale. De façon fortuite, il va croiser sur sa route, l’un des frères des truands, Rey. Il va le contraindre à retrouver ses frères. Le film prend une autre tournure pour mieux faire éclabousser son propos. The Rover ne sera pas un duel entre Éric et Rey. Cette rencontre, simple et nébuleuse, qui verra les deux hommes se côtoyer sans trop se parler symbolisera le questionnement sur l’innocence de cet univers en perdition. Eric est vagabond, le sort de sa vie est déjà tracé, il n’a pas peur de la mort. Au contraire, il ressent de la haine, quant à l’indifférence générale face aux actes meurtriers des uns et des autres, notamment les siens. Il a connaissance de tout ce calvaire, de toute la violence que regorge ce décorum vide de toute vie.


Rey est un peu imbécile, presque innocent. Comme une sorte de fleur qui pousserait dans une terre non fertile. Son regard à la fois adulte mais cupide sur les relations de la famille en tant que telle. C’est alors que petit à petit, suite à quelques confessions, de regards fratricides, de confiance mutuelle (les deux se sauveront la vie), une relation naturelle va naître, et le regard du jeune homme va changer, où il commencera à ressentir la culpabilité et le poids de cet univers calamiteux, la dislocation de sa propre famille, sa solitude quant à son propre frère. Il deviendra meurtrier, involontairement puis consciemment. Un voyage initiatique mutique s’initiera entre les hommes où chaque mot prend sens. David Michod se permet même quelques scènes sorties de nulle part, comme ce moment où Robert Pattinson écoute du gros R'n'B qui tache avant l'affrontement final.


Cette force provient aussi la direction d’acteur incroyable de David Michod. Guy Pearce mutique, visage fermé, mâchoire serrée tout au long du film, contrebalance avoir le regard goguenard de Pattinson, sa bêtise presque infantile. Pattinson est un futur grand, c’est indéniable. Puis, ils retrouveront la bande de truands et le tout se finira dans un bain de sang fataliste et moribond. L’innocence prend feu, l’humain n’est plus et son intégrité s’embrase. La toute fin détonne avec le sérieux acerbe du film. Ironique et absurde, mais tellement révélatrice de la déflagration des individus entre eux.

Velvetman
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le 19 mai 2016

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