The Rover : Fable nihiliste maîtrisée ou film d'auteur plat ?

On ne présente plus The Rover, film australien indépendant présenté au dernier festival de Cannes. Le film a fait coulé beaucoup d'encre. Cette œuvre, boudée par le jury, vaut-elle la peine ?

Oui. Pourquoi ? Tout d'abord pour ses parti-pris audacieux : Réalisation sobre à l'extrême, rythme lent, décor quasi unique (désert), personnages peu nombreux, dialogues épars, musique prenante. Certes, on a déjà vu des films jouant sur les mêmes ficelles, mais The Rover joue sa partition avec brio.

Ensuite, Michôd compose une mise et scène âpre et minimaliste, qui emprunte tour à tour à Peckinpah, Miller (on pense indéniablement à Mad Max), Kurosawa ou Leone, sans jamais égaler les maitres, cependant. Les plans sont tous sublimement cadrés et éclairées. L'ensemble dégage une poésie crépusculaire qui fait défaut au cinéma contemporain. Côté interprétation, les acteurs sont tout simplement époustouflants, ils s'effacent derrière leurs personnages d'une façon confondante (mention spéciale à Robert Pattinson).

Toutefois, le film comporte plusieurs défauts. Le scénario est assez attendu, même dans les moments de suspense on devine ce qui se passera juste après. Mais c'est sans doute le message du film qui pose le plus problème. The Rover est clairement une métaphore extrême de la société occidentale, rongée par l'individualisme (dans le film, chaque personne lutte pour sauver sa peau et se fout des autres). Le désert n'est qu'une image du cœur sec d'hommes meurtris et prêts à tout. En milieu hostile, l'animalité et la haine des êtres humains se révèlent, les normes sociales explosent et la nature humaine pécheresse prend le dessus. La fin du film, sans spoiler, démontre l'absurdité de toute l'entreprise du personnage principal, joué par Guy Pearce ... Tout ça, pour ça ... La noirceur extrême et le nihilisme de l'ensemble ne laisse aucune place à un quelconque espoir.
C'est là que le bas blesse, contrairement aux films des grands réalisateurs précédemment cités il manque à The Rover un souffle épique et une humanité à laquelle se raccrocher.

On ressort donc de la séance mi-conquis, mi-frustré, car si le film vole bien au dessus de la production actuelle, il aurait aisément pu être un chef d’œuvre. Gageons que Michôd arrivera à la maturité avec son troisième long-métrage.
Mathetes
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le 19 juin 2014

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Mathetes

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