Dans la scène la plus longue, peut-être la plus essentielle de The Smell of us, Dominique Frot fait intrusion dans le film pour jouer le rôle de la mère de Math (Lukas Ionesco), qui se prostitue pour se faire de l'argent de poche. Elle a chaud, elle se déshabille et se frotte au corps à moitié nu de son fils, qui lui dit qu'elle est cinglée. « Il ne se passe rien », déplore-t-elle. Qu'est-ce qui peut encore se passer entre ces deux corps, se demande Larry Clark, quel contact peut encore exister entre l'éphèbe éthéré et cette mère d'une autre génération, d'un autre âge, qui parle comme Brigitte Fontaine?

The Smell of us formule peut-être l'utopie de réunir tous ces corps: non pas les jeunes contre les vieux, mais les jeunes et les vieux, les skateurs et les clodos du Trocadéro. The Smell of us, c'est autant l'odeur des clients qui s'incruste sur le torse des garçons qui se vendent à eux, que celle de la nuque de Math, qu'un homme vient renifler dans une scène de boîte. Ce sont tous ces corps que le film veut mêler dans ses scènes les plus belles, celle du tatouage par exemple, où Rockstar, le clodo joué par Larry Clark, s'endort et se pisse dessus alors qu'on grave sur son avant-bras la tête de mort qui se trouve sur la main de Math. Voilà à quel abandon aspirent tous les personnages du film, jeunes ou vieux: tous veulent s'allonger, se reposer, dormir. Ce film parfois brutal tend vers une immense douceur.

Ne surtout pas se fier aux critiques négatives, qui formulent un peu partout les mêmes arguments : c'est moche, sale, dégueu, immoral, ce n'est pas la réalité. Ce qu'il reste de The Smell of us, c'est plutôt l'abandon, la langueur, la somnolence. Ce n'est pas le moindre des paradoxes d'un film où les ados se vendent, se prostituent, mais apparaissent aussi comme des icônes intouchables, impénétrables. Eternité de la jeunesse qu'aucun film français n'a su saisir depuis trente ans. La dernière fois, c'était dans Boy meets girl de Carax. C'était en 1984.
chester_d
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le 17 janv. 2015

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